Entre la vie et la mort. Maborosi et After Life, les 2 premiers films d’Hirokazu Kore-Eda, soulignent la singularité d’une ouvre hantée par la mort et l’absence.

1. De Hirokazu Kore-Eda. Avec Makiko Esumi, Takashi Naitô, Tadanobu Asano. 1995. 1 h 50. Éd. Potemkine. Dist: Twin Pics. 2. De Hirokazu Kore-Eda. Avec Erika Oda, Arata, Taketoshi Naitô. 1998. 1 h 58. Éd. Potemkine. Dist: Twin Pics.

De la jeune génération de cinéastes japonais, Hirokazu Kore-Eda est assurément l’un des talents les plus singuliers, l’héritier des Ozu et autre Naruse, certes, mais aussi le tenant d’un cinéma hanté par la mort et l’absence, thèmes qui trouvent, devant sa caméra, une expression toute de grâce subtile. Si Nobody Knows et Still Walking, qu’a suivis l’étonnant Air Doll, lui ont valu, ces dernières années, une large reconnaissance, l’édition conjointe de ces 2 premiers films est l’occasion de plonger aux sources mêmes de son cinéma -non sans en apprécier la cohérence aussi bien thématique que stylistique.

De cela, Maborosi, découvert à Venise au milieu des années 90, apporte l’éclatante autant que vibrante démonstration. On y suit une jeune femme hantée par une double disparition: celle de sa grand-mère alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, et celle, inexpliquée, de son mari -un suicide qui devait la laisser à sa douleur muette, en une errance intime qui l’amènera bientôt à un remariage arrangé.

Pour son premier long métrage de fiction, Kore-Eda témoigne d’une maturité surprenante. Maîtrise de la composition des plans, fluidité des mouvements, et sens de l’ellipse: il y a ici les marques, déjà, d’un authentique accomplissement esthétique, là où le propos ne manque pas d’interpeller par sa résonance -délicat et bercé de poésie trouble, Maborosi est un film de toute beauté, une méditation profonde sur la vie et la mort, en même temps qu’un modèle d’élégance et de raffinement non ostentatoires.

L’ADMINISTRATION DES LIMBES

Le concept de After Life est plus singulier encore, qui voit une administration accueillir des défunts, invités à sélectionner dans leur vie le souvenir qui, remis en scène, les accompagnera dans l’au-delà. Outre l’étrangeté objective de la situation, le film ne manque pas d’interpeller par la qualité des souvenirs qu’il convoque, mais aussi par la capillarité à l’£uvre entre mondes différents, les morts y apparaissant bien vivants, non sans que, au c£ur des limbes, la mémoire des uns ne contamine à l’occasion celle des autres.

La perte, l’absence et le souvenir sont encore une fois au c£ur d’un propos embrassé par Kore-Eda avec finesse, en même temps que s’y déploie son art de la mise en scène, pour une £uvre dont les contours insolites ne masquent pas la profonde mélancolie. C’est là encore un authentique chef-d’£uvre, en même temps que le film qui a valu à son auteur la notoriété internationale. Comme Maborosi, After Life est l’objet d’une présentation bienvenue de Charles Tesson -à ne découvrir toutefois qu’après vision de films qui, comme peu d’autres, emmènent le spectateur dans un espace où fusionnent jusqu’à incandescence émotions et réflexion sensible.

Jean-François Pluijgers

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