William R. Burnett l’écrivain qui a inventé « le roman de gangsters »

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FocusVif.be Rédaction en ligne

Sans l’écrivain et scénariste américain William R. Burnett (1899-1982), auteur notamment de « Little Caesar » et « The Asphalt Jungle », le mythe du gangster n’aurait jamais été aussi prégnant dans l’imaginaire des lecteurs de romans noirs.

Rassemblés sous le titre « Underworld », cinq romans de Burnett sont publiés jeudi dans la prestigieuse collection Quarto de Gallimard (1.120 pages, 28 euros).

« Avant Burnett, il y avait des gangsters dans le roman, mais pas de romans de gangsters », explique Benoît Tadié, universitaire spécialiste du polar américain, qui a dirigé cette édition enrichie par de nombreuses photos et documents (affiches de films, couvertures de livres, extraits de son Journal, témoignage de son fils…) ainsi que par une biographie et une filmographie très soignées. Avec ce volume, Burnett rejoint ses aînés Raymond Chandler et Dashiell Hammett déjà publiés en Quarto.

L’originalité des romans de Burnett est de raconter l’histoire non du point de vue du détective ou de la victime mais du criminel lui-même.

Publié en 1929, son premier roman, « Little Caesar » (« Le petit César », malheureusement absent de cette édition) fit « l’effet d’un coup de poing », rappelle Benoît Tadié. Le livre qui sera adapté au cinéma avec Edward G. Robinson dans le rôle titre, racontait la guerre des gangs à l’heure où la puissance d’Al Capone était à son zénith offrant pour la première fois, selon les mots mêmes de Burnett, « une image du monde vu par les yeux d’un gangster ».

William R. Burnett l'écrivain qui a inventé
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Inspiré par Balzac

Même sans « Little Caesar » (ni, hélas, « High Sierra », un autre-chef d’oeuvre de Burnett adapté au cinéma par Raoul Walsh avec Humphrey Bogart) on retrouve le point de vue du gangster dans les cinq romans réunis pour le volume de Quarto. Il s’agit de la « trilogie de la ville » composée de « The Asphalt Jungle » (« Quand la ville dort », 1949, adapté au cinéma par John Huston), « Little Men, Big World » (« Rien dans les manches », 1951) et « Vanity Row » (« Donnant, donnant », 1952) suivie de « Underdog » (« Tête de lard », 1958) et « The Cool Man » (« Un homme à la coule », 1968). Toutes les traductions ont été révisées par Marie-Caroline Aubert, la patronne du domaine étranger de la mythique Série Noire.

Ces cinq textes sont présentés pour la première fois en français dans leur version intégrale permettant de restituer jusqu’à 20% du texte original jamais traduit en français. Les lecteurs francophones ayant déjà lu Burnett (dans les traductions tronquées de la Série noire des années 1950/1960) auront souvent l’impression de découvrir un nouvel auteur.

Dans les trois romans de la « trilogie de la ville », le crime, l’argent et la politique mènent conjointement le bal. Burnett dresse le portrait peu ragoûtant d’une Amérique corrompue à tous les niveaux.

Le style de Burnett brille par le sens du dialogue. Son inspiration, « c’est Balzac », affirme Benoît Tadié dans la préface d' »Underworld ».

Le romancier qui récusait toute comparaison avec les grands auteurs de roman noir de sa génération se sentait davantage d’affinités avec les romanciers européens du XIXe siècle. Parmi ses auteurs préférés, rappelle l’universitaire, on trouve l’Anglais Charles Dickens et le Russe Tourgueniev mais aussi les Français Balzac, Maupassant, Anatole France, Marcel Aymé (« à qui il rend un hommage aussi appuyé qu’inattendu dans +Little Men, Big World+ », note Benoît Tadié) et le Belge Simenon.

Burnett, insiste l’universitaire, considérait ses propres oeuvres comme une comédie humaine balzacienne.

De 1929 à 1982, Burnett a publié 35 romans et compte une soixantaine de scénarios à son actif. Mais, contrairement à Chandler ou Hammett, sa notoriété n’est pas à la hauteur de son oeuvre.

« Son nom est rarement cité dans les anthologies et histoires qui constituent le canon de la littérature américaine », déplore Benoît Tadié, professeur d’études américaines à l’université Rennes II. Aucune biographie, aucune monographie ne lui a été consacrée. Le volume de Quarto répare en partie cet oubli.

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