Wauter Mannaert redessine Nimona de mémoire

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

« Nimona a retourné le marché en ma faveur. » Chaque semaine, un.e auteur.e redessine et commente -sans la regarder!- la couverture d’un album qui lui est cher. Aujourd’hui, Wauter Mannaert s’attaque à Nimona, par Noelle Stevenson, 2015.

Pourquoi cette couverture et/ou cette auteure vous a marqué?

Quand j’ai acheté le livre, je ne connaissais absolument rien de l’auteure ou de l’histoire, je suppose donc que la couverture avait « quelque chose » qui m’a convaincu de l’ouvrir et de le ramener à la maison. Les dessins m’ont intrigué. Ça a l’air simple, mais Noelle Stevenson sait ce qu’elle fait. Les personnages sont pleins de caractère, de vie. Ses lignes sont sobres, presque minimalistes et elle laisse beaucoup de place à ses couleurs merveilleusement dansantes. Quand j’ai acheté Nimona, j’avais déjà publié des romans graphiques, mais toujours en noir et blanc. La couleur était encore une montagne pour moi. J’étais vraiment jaloux! La couverture est également pleine de mystère. À première vue, elle promet une histoire fantastique classique, mais c’est un genre qu’elle bouscule tout de suite. Les chevaliers ont une touche féminine, le personnage principal est une drôle de fille baraquée aux cheveux rouges… ça tient plus, en réalité, du journal intime de Noelle Stevenson, publié à l’origine sous forme de webcomic. Elle y a incorporé tous les thèmes qui lui tenaient à coeur, des OGM à l’homosexualité.

En quoi a-t-elle eu une influence sur le lecteur et l’auteur que vous êtes?

J’ai sorti mon premier album l’an dernier ( Yasmina et les mangeurs de patates, chez Dargaud) mais l’idée, l’histoire d’un chef cuisinier de onze ans qui part en guerre contre l’industrie alimentaire et qui s’adresse autant aux adultes qu’aux jeunes, est née vers 2009, alors que j’en étais vraiment à mes débuts en tant que dessinateur. J’ai ruminé cette histoire pendant longtemps, en partie parce que je ne savais vraiment pas quoi en faire. En Flandre, la bande dessinée jeunesse restait le monopole des éditeurs commerciaux, et le marché alternatif, lui, était réservé aux adultes, avec des adaptations de la littérature mondiale ou des bandes dessinées semi-autobiographiques d’hommes partageant avec le monde leurs obsessions sexuelles… Mais Nimona a été un de ces livres qui a retourné le marché en ma faveur. C’est un livre qui, je pense, a ouvert la porte à un marché de la BD plus diversifié. Soudain, Yasmina est devenu possible. Il paraîtra même aux États-Unis l’année prochaine. Merci Nimona!

À redessiner ainsi cette couverture de mémoire, pensez-vous en avoir gardé un souvenir précis?

J’ai bien ri en dessinant cette couverture. Parce qu’un jour j’ai prêté mon exemplaire, et je ne l’ai jamais récupéré. Ça faisait donc très longtemps que je ne l’avais pas vue. Et les souvenirs étaient un peu fanés. J’ai d’abord repensé aux couleurs. Puis, dans ma mémoire, Nimona était beaucoup plus musclée. Et j’ai surtout fait une erreur cruciale en dessinant à la fois le dragon et Nimona, alors qu’ils sont un seul et même personnage… Quand ma petite amie a vu le résultat, elle s’est couvert la bouche pour réprimer un cri. Pour un dessinateur qui se targue de sa mémoire graphique, c’est particulièrement dramatique et stressant. C’était un exercice beaucoup plus complexe que je ne le pensais. Il faut non seulement s’en souvenir mais aussi se poser la question de ce qui détermine exactement le « style » de dessin de quelqu’un. Quand je me suis rendu compte au dixième croquis que je n’y étais toujours pas, j’ai lâché prise. Et au final j’ai passé un très bon moment!

Dernier album de wauter mannaert paru: Yasmina-t. 1: Master-classe, Éditions Dargaud.

La couverture originale:

Wauter Mannaert redessine Nimona de mémoire

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