Quatre jours à Montréal sur les traces de la littérature québécoise

Nicolas Dickner: "J'ai toujours eu peur de me tenir trop au courant de la littérature québécoise, je veux continuer à rester relativement détaché." © JULIE ARTACHO
Ysaline Parisis
Ysaline Parisis Journaliste livres

Métropole littéraire, Montréal sera la ville invitée d’honneur de l’imminente Foire du livre de Bruxelles. Une terre de contrastes, au croisement d’histoires intimes et géographiques. Le Vif/L’Express est allé à la rencontre de ces écrivains qui font la littérature québécoise aujourd’hui. Voyage d’hiver…

Vu d’en haut déjà, l’approche de Montréal donne envie d’histoires, vaste plateau de crème fouettée seulement ponctué de buissons, petites forêts pétrifiées dans le grand calme de l’hiver. Alors qu’elle s’apprête à fêter les 375 ans de sa fondation officielle (le 17 mai 1642), la jeune Montréal est-elle la terre d’écrivains que l’on dit? Comment les romans s’écrivent-ils aujourd’hui au sein d’une des villes les plus cosmopolites au monde, deuxième population francophone après Paris? De quelle façon les écrivains qui y vivent appréhendent-ils la géographie de ses avenues, et ses grands écarts atmosphériques? Panorama à haute teneur subjective, au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la Rivière-des-Prairies.

Jour 1, Nicolas Dickner

Quatre jours à Montréal sur les traces de la littérature québécoise

« Je vous prie de pardonner ma lenteur à vous répondre, je suis en vitesse février. Nos hivers sont de plus en plus imprévisibles, mais février demeure le mois de l’encabanage. Il fait froid, le soleil n’est pas encore tout à fait revenu. En ce moment, nous sortons d’un (autre) épisode de verglas, alors vous ne verrez sans doute pas Montréal dans ses atours les plus agréables. » Le dernier bulletin météorologique de Nicolas Dickner n’était pas forcément encourageant. L’homme finira pourtant par sortir de sa tanière et nous donner rendez-vous dans son café de quartier. Grignotages bio, tisanes basilic detox et grandes tables de bois où coworker: ici comme ailleurs à Montréal, le tutoiement va bon train, ainsi qu’un certain sentiment de familiarité. « Ça peut paraître anecdotique, mais il y a un très fort sentiment d’appartenance à Montréal. Le gens s’enracinent et s’identifient très fort à l’endroit où ils habitent. Un peu comme si les différents villages qui composaient Montréal avaient conservé leur caractère marqué, même après les grands mouvements de concentration urbaine des années 1960. » Comme les quartiers du Mont-Royal et du Mile-End (sorte de Brooklyn québécois qui a vu sa physionomie changer en quelques années seulement, entre autres après l’installation du géant du jeu vidéo Ubisoft), Villeray, ancien district ouvrier, surfe pourtant lui aussi depuis peu sur la vague de la gentrification. « Depuis trois ans, on voit apparaître des triplex transformés en condominium et les bâtiments deviennent inachetables. On est arrivés juste avant. »

Pour plein d’auteurs québécois, la France est hyperprestigieuse, une fin en soi

Publié en 2005, Nikolski, un roman échevelé qui enchevêtrait les destinées de trois jeunes fraîchement débarqués à Montréal, lui a ouvert les portes de l’international. Dickner est aujourd’hui traduit dans une dizaine de langues – les éditions du Seuil viennent d’acheter pour l’importer son dernier roman, Six degrés de liberté. « Il y a plein d’auteurs québécois pour qui la France est hyperprestigieuse, une fin en soi. Souvent, un bouquin va paraître en France, et on va faire un communiqué de presse: ça fait événement! Comme si ça conférait une autorité morale, et culturelle, à l’auteur. En ce qui me concerne, la France n’a jamais été mon marché extérieur de prédilection. J’ai toujours accordé plus d’importance à mes traductions en anglais. »

Anglophile, grand lecteur de l’Américain William Gibson (l’un des leaders du mouvement cyberpunk en science-fiction) autant que du Québécois Louis Hamelin (Le Soleil des gouffres), le quadragénaire est un romancier voyageur. « On a beaucoup d’oeuvres ici qui prennent le Québec comme code de l’histoire. Des livres qui s’écrivent dans une petite bulle culturelle, insulaire. Le Québec offre une forme de résistance aux pressions commerciales extérieures, et c’est sûr que si on n’est pas un minimum autoréférentiel, on va se faire écraser par les Américains. Mais je suis aussi persuadé qu’il faut des fenêtres de respiration. C’est important qu’il y ait des agents de diversification dans une culture. Et c’est le rôle que j’aime m’attribuer. »

Polar hilarant etroman d’aventures qui claque, Six degrés de liberté parvient par exemple à être parfaitement montréalais, qui traîne abondamment ses guêtres dans les rues de Villeray, tout en épousant une structure narrative qui doit beaucoup à la long form américaine. Un roman global, à l’image de Montréal? « Même s’il est en lien avec son environnement et l’actualité, le travail de l’écrivain consiste avant tout à être représentant de soi-même. Je n’ai pas le sentiment d’être un auteur québécois. S’il faut absolument m’associer à un territoire, je me décrirais comme un auteur montréalais. Montréal, c’est la métropole, la zone de brassages et d’influences. Ce cosmopolitanisme est, selon moi, une notion importante de l’identité littéraire montréalaise. »

Jour 2, Kim Thuy

Kim Thuy:
Kim Thuy: « Pendant longtemps, je pensais que je n’étais ni vietnamienne ni québécoise. Mais ce n’est pas une question géographique, l’identité. »© JULIE ARTACHO

Ce matin-là, le taximan égrènera le numéro de chacune des maisons du boulevard dans une litanie consciencieuse, avant de s’arrêter devant une des devantures proprettes de banlieue pavillonnaire. Pour venir à Longueuil, il aura d’abord fallu passer en métro sous le Saint-Laurent pour joindre la rive sud. Toujours à Montréal, mais déjà un peu ailleurs en même temps… Sur le seuil de sa maison en mode jardin d’hiver, la très joyeuse et volubile Kim Thuy, Vietnamienne résidant à Montréal depuis près de trente ans, sera prochainement de la délégation montréalaise à la Foire du livre de Bruxelles. « Ce titre d’auteure québécoise, je suis la première à le revendiquer haut et fort. A la sortie de mon premier livre, j’ai été invitée au festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo. Il y avait une conversation prévue entre Dany Laferrière (NDLR: intellectuel et écrivain québécois et haïtien, prix Médicis pour L’Enigme du retour en 2009) et moi. Dany s’est mis à me lancer des fleurs. Et moi, j’ai regardé le public et dit spontanément: « Mais vous savez pourquoi il me réserve tant d’éloges? C’est parce qu’on vient du même pays! » Et là, il y a eu ce moment de flottement dans le public. Je me suis tournée vers Dany, et c’est là que j’ai réalisé qu’il était Noir. Et, le voyant Noir, je me suis rappelée que j’étais asiatique. Je l’avais oublié! Pour moi, on était tous les deux québécois! »

Quatre jours à Montréal sur les traces de la littérature québécoise
Parler français au Québec, c’est pouvoir inventer des mots, jouer avec la langue

Née à Saigon en 1968, Kim Thuy a débarqué comme boat people au Québec à l’âge de 10 ans. « Le pays s’était engagé à recevoir 60.000 réfugiés vietnamiens en deux ans: tout était prêt, du fédéral au municipal. Ce n’est pas seulement un pays où on est arrivés: c’est un pays où on a été accueillis. Ça change tout. » Sorti en 2010, son premier roman Ru devient instantanément un best-seller au Québec. Suivront Man et Vi, trois romans (repris chez nous aux éditions Liana Lévi), qui établissent, sous forme fragmentaire comme le souvenir, un dialogue sensuel entre ses deux cultures. « J’ai l’air de parler beaucoup du Vietnam, mais je le découvre en même temps que l’écriture, en même temps que le lecteur. Si je n’étais pas au Québec, je n’aurais jamais pu écrire cette beauté du Vietnam. » L’écriture, chez Kim Thuy, prend sa source dans la surprise et l’introspection auxquelles rive le déracinement. « Quand on est arrivés, on a comme atterri sur une autre planète. On ne reconnaissait rien: c’aurait tout aussi bien pu être Mars! La luminosité de la neige est très particulière, on n’avait jamais vu cette blancheur. Et la première fois qu’on a eu froid aux oreilles, on ne savait pas qu’on avait froid, on pensait qu’on brûlait (éclats de rire). Cela prend du temps d’interpréter ses sensations… »

Tour à tour couturière, traductrice, restauratrice puis avocate à Montréal (au moment où le Vietnam ouvre ses portes, elle fait partie de l’équipe de Canadiens qui soutient le passage d’une économie socialiste vers une économie de marché), la bilingue Kim Thuy sera progressivement passée au français dans tous les aspects de sa vie. « Le Québec donne une liberté que la France donne moins, probablement. C’est un peu comme pour l’anglais. Qu’on utilise un accent ou pas, qu’on fasse des erreurs, on s’en fiche: on peut parler anglais. Parler français au Québec, c’est pouvoir inventer des mots, déformer la prononciation, jouer avec la langue, l’utiliser de façon boiteuse. Pour l’immigrante, c’est déjà plus facile, on sent qu’on a le droit de faire des erreurs. » Ecrire, c’est parfois savoir entendre l’autorisation. « Pouvoir écrire dans le calme, dans la sérénité, dans le plaisir, c’est une chose que j’ai reçue, et je sais que ça se passe ici à Montréal pour moi aujourd’hui. »

Jour 3, Joséphine Bacon

Joséphine Bacon:
Joséphine Bacon: « J’écris en innu avant d’écrire en français parce que quand je parle d’animaux, de lacs et de montagnes, ça me vient d’abord dans ma langue. »© JULIE ARTACHO

« Tu prends une carte du Québec, tu longes le fleuve, puis tu vas voir d’où je viens. C’est entre Forestville et Chute-aux-Outardes, à une heure et demie à partir de Tadoussac vers l’est. » Matin de soleil à Montréal, la neige accumulée sur les toits s’envole, légère comme du sucre glace, iridescente dans le soleil, créant cette sensation inédite: donner à voir le vent. « On appelle ça la poudrerie! » Petite silhouette tassée aux yeux bleus rieurs, Joséphine Bacon s’amuse de notre émerveillement à la fenêtre des bureaux de son éditeur, Mémoire d’encrier. L’histoire de Joséphine Bacon, Amérindienne née en 1947 dans la tribu des Betsiamites, ressemble à celle de milliers d’Amérindiens de sa génération, et coïncide avec une page sombre de l’histoire du Canada: arrachée à sa famille, elle est placée en 1952 dans l’un des pensionnats d’Etat destinés à scolariser, évangéliser et « assimiler » les enfants autochtones. Un épisode aujourd’hui officiellement reconnu comme un génocide culturel, qui a coupé des générations entières de leur héritage – et quasiment éradiqué une culture. « Traditionnellement, de septembre à juin, tu accompagnais tes parents, les femmes guides et les hommes chasseurs, dans le territoire. Ce sont les mois où tu apprenais ton identité, et ta culture. Tous ces mois où j’étais au pensionnat, je n’ai du coup pas appris à être nomade. Par contre, j’ai appris à lire et à écrire. C’est autre chose. »

Quatre jours à Montréal sur les traces de la littérature québécoise

En 1968, Bacon a 21 ans. Elle débarque à Montréal avec un castor plus ou moins domestiqué (« On l’appelait Fidèle. Un jour, il n’est plus revenu… Quand tu es sauvage, tu restes sauvage. ») et commence à travailler pour des anthropologues intéressés par la culture autochtone. Elle retourne régulièrement dans les réserves et procède notamment à des enregistrements des aînés sur cassette. Le début d’une reconnexion. « En écoutant les vieux se raconter, j’ai réappris tout ce que j’ignorais, tout ce que j’ignorais que j’aurais dû être – ce que j’aurais dû vivre. Quand tu es nomade, tu ne parles pas beaucoup, tu es occupé à chasser, pêcher, t’occuper des animaux. Mais le soir venu, les aînés porteurs de rêve racontaient des atalukan aux enfants, puis les enfants s’endormaient sur les mythes fondateurs. C’est de cette manière que tu apprenais la vie. Par l’écoute, par les mythes et par les récits. »

Ce travail sur l’héritage et la langue trouvera peu à peu sa traduction naturelle en littérature, d’abord dans Bâtons à message/Tshissinuashitakana, puis Un thé dans la toundra/Nipishapui nete mushuat, brefs recueils bilingues de poèmes qui ont la concision minérale et venteuse des haïkus japonais – et le mystère opaque de la langue innu-aimun. « Mon père me disait souvent que les arbres avaient parlé avant les hommes. Il me disait que si j’allais dans la forêt, je les entendrais me parler. Je sais que je ne connaîtrai plus jamais la forêt comme lui l’a vécue. La toundra a perdu son mode de vie silencieux. Les bulldozers font des trous dans la terre. Et tu as beau écrire de la poésie, tu ne peux pas les arrêter. Money money money: c’est l’argent qui mène le monde aujourd’hui. Mais quand tout ça aura été détruit et gâché, mon dieu, comme ils vont regretter… Bien sûr j’ai de la colère, mais je ne crie pas, j’écris. Ma colère est tranquille. »

En écoutant les vieux se raconter, j’ai réappris tout ce que j’ignorais que j’aurais dû être

Devenue documentariste et professeure de langue innu (« Ici en ville, il y a des métis, puis des gens que ça intéresse »), Bacon est devenue une institution à elle seule à Montréal. Non sans continuer en elle-même ce dialogue singulier avec la mémoire. « Tu sais, même quand j’attends l’autobus au coin de Belanger et d’Hubertville, il m’arrive de retourner dans la toundra. Je ferme les yeux, et facilement, je me retrouve dans le territoire, je marche sur le lichen, j’entends l’eau de la rivière et le vent. Je suis une sédentaire à Montréal, mais ma mémoire est nomade. Moi seule sais ce que je regarde. »

Jour 4, Anaïs Barbeau-Lavalette

Anaïs Barbeau-Lavalette:
Anaïs Barbeau-Lavalette: « Fin des années 1940, Montréal change de visage. On s’est très peu fait raconter notre histoire. »© JULIE ARTACHO

« C’est vrai qu’il faut parfois que je me fasse violence, pendant ces six mois d’hiver coriace, mais je ne peux pas écrire si je m’encabane. J’ai besoin de me frotter aux saisons, de m’y heurter. Même si ça fait mal, c’est la rencontre avec le temps qui me rappelle que je suis vivante, que je fais partie de ce rythme-là. Hiver comme été, je monte le Mont-Royal, et c’est là, sur la montagne, que naissent les idées. » On rencontre Anaïs Barbeau-Lavalette une fin d’après-midi de soleil, donc de grand froid, dans un café italien à proximité de Jean-Talon, un des plus vieux marchés publics de la ville, matrice gourmande où se croisent producteurs locaux et morceaux d’enfance de chaque Montréalais.

Née 38 ans plus tôt à quelques rues de là, celle qui est à la base cinéaste a créé l’événement sur la scène littéraire, il y a un peu plus d’un an, avec La Femme qui fuit (disponible depuis le 1er mars au Livre de poche). Enquête historique et intime sur la vie de sa grand-mère, le livre plonge dans un mouvement artistique jeune et fulgurant qui est aussi un pan méconnu de l’histoire du Québec. « On s’est très peu fait raconter notre histoire, ici. Surtout cette période-là. Fin des années 1940, 1950, Montréal connaît un point de bascule. Jusque-là, les Québécois étaient sous le joug de l’Eglise, il y avait la loi du cadenas, on ne lisait pas ce qu’on voulait, on n’écoutait pas la musique qu’on voulait, il y avait une grosse pression de l’Eglise pour que les femmes aient beaucoup d’enfants. Les gens étouffaient. Quand il est signé en 1948, le Manifeste du refus global est un appel d’air: ça suffit les contraintes, place à la magie, à l’invention, à quelque chose qui sorte enfin du cadre. Ici, on dit que c’est le groupe qui a rouvert les portes de la liberté du Québec, et qui a commencé la révolution tranquille qui est une grande métamorphose de notre société. Même s’ils l’ont payé cher sur le plan personnel. »

Quatre jours à Montréal sur les traces de la littérature québécoise

C’est le coeur du livre de Barbeau- Lavalette, également connecté à une fibre généalogique intime : pour poursuivre sa vie artistique, Suzanne fera le choix radical d’abandonner ses deux enfants – la mère d’Anaïs Barbeau et son oncle. Bouleversant récit d’abandon familial et de rêves réprimés, le livre est aussi cette lumineuse proposition de réparation existentielle, qui parvient à dépasser l’asphyxiant dilemme grand-maternel entre désir de liberté et d’enracinement – filial et géographique. « Quand je voyage, il y a cette drôle de chose: plus je pars de Montréal, et mieux j’y reviens. J’ai 38 ans aujourd’hui et j’ai vraiment conscience de mes racines. L’endroit où je me sens le plus à Montréal, c’est les ruelles, une configuration très typique de la ville. La ruelle, c’est comme les coulisses du théâtre, il y a quelque chose de très intime tout en étant partagé. C’est là que tu rencontres tes voisins, c’est une grande cour commune, sur le long de la rue. C’est là que les petits trucs se passent, les échanges. Les ruelles décloisonnent. A Montréal, tu as à la fois la grande ville, mais le village est présent partout aussi. »

Foire du livre de Bruxlles, 47e édition

Outre l’élégant tapis rouge déroulé à la ville de Montréal, la Foire du livre de Bruxelles s’est choisi cette année un thème – « Réenchanter le monde » -, et un président d’honneur – Eric-Emmanuel Schmitt. Durant quatre jours, dès le 9 mars, le site de Tour & Taxis accueillera pas moins de 925 auteurs invités, parmi lesquels le grand auteur chilien Luis Sepulveda, le phénomène éditorial Gaël Faye (Petit pays), le Marocain Abdellah Taia, les Québécois Kim Thuy, Joséphine Bacon, Luc Tremblay et Dany Laferrière mais aussi les Belges Jean-Marc Ceci et Grégoire Polet. Avec plus de 320 rencontres et débats, un palais des imaginaires consacré à la BD, une nocturne Pop and Geek consacrée aux littératures de l’imaginaire, un Focus polar et une grande attention donnée à la littérature jeunesse, la Foire du livre, c’est aussi cette gigantesque librairie, qui propose des stands d’éditeurs dispersés sur 17 500 m² de surface d’exposition…

Du 9 au 13 mars, à Tour & Taxis, à Bruxelles. www.flb.be

Montréal, Anaïs Barbeau-Lavalette en est en quelque sorte devenue l’un des visages. « Aujourd’hui, je me fais arrêter cinq à six fois par jour dans la rue, et ma mère aussi: quand ils l’aperçoivent, les gens traversent la rue pour la prendre dans leurs bras. Je ne m’attendais pas du tout à ça… Je me suis donné la permission d’imaginer ma grand-mère. Ça m’a poussé à enfin la rencontrer – ce qu’elle m’a toujours refusé. Puis en écrivant, je me suis surprise à me mettre, comme ça, tranquillement, à l’aimer. Ce n’était pas prévu. Mais c’est arrivé. » Au sortir du café, la lumière s’éteint doucement sur Montréal. Seule la neige semble vouloir retenir dans quelques reflets bleutés les traces du jour qui s’enfuit. Les voitures qui passent filent vers des rendez-vous, toujours ailleurs, plus loin. Sur leur plaque, la devise du Québec, terre vieille et neuve: « Je me souviens. »

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