Ovidie, l’ex-star du X s’essaie à la BD

Histoires inavouables © Delcourt
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Le porno cool est tendance en BD. L’ancienne star du X Ovidie s’associe à l’élégant Jérôme d’Aviau pour des histoires de cul sans performance -une rareté. Et une rencontre plus sympa que torride.

Le café Belga, à Bruxelles, n’est sans doute pas le premier endroit où l’on aurait imaginé croiser Ovidie, en vrai, la première fois. Mais les fantasmes sont souvent très éloignés de la réalité, comme dans les Histoires inavouables qu’elle scénarise chez l’éditeur Delcourt avec Jérôme d’Aviau au dessin. C’est donc autour d’un petit café et entouré de plein de gens habillés que l’on a parlé de ce premier album BD, la concernant. Star du porno pendant quelques films il y a près de quinze ans mais à vie sur la Toile, la jeune femme à la tête bien faite est depuis devenue écrivain, chroniqueuse ou réalisatrice. Et quitte à exploiter son nom, autant le mettre au service d’une sexualité humanisée, loin des canons du genre qui l’ont médiatisée.

Histoires inavouables reprend ainsi dix histoires « vraies », habilement marketées (certaines sont arrivées à l’auteure…), plus pornos que coquines et d’ailleurs revendiquées comme telles, mais toutes sans exploits sexuels ou attributs hors normes. Des histoires de cul, certes, mais mettant en scène la réalité de gens « normaux », moins masturbatoires que la plupart des BD du genre, mais pas moins titillantes quand c’est le but recherché. Du « porno cool » dans toute sa splendeur, comme Benoît Feroumont en a été récemment capable chez Dupuis avec Gisèle et Béatrice. Explications.

Histoires inavouables
Histoires inavouables© Delcourt

D’où vous est venue l’envie de faire cet album?

Ovidie: Ce projet en BD m’est venu assez naturellement, pour la liberté de création et de réalisation que le média procure, et parce que je suis moi-même fan de BD, j’en lis beaucoup. Le trait de Jérome convenait parfaitement à l’esprit des histoires: une sexualité parfois crue mais plus humaine, un peu plus réaliste que d’habitude. Son dessin se prête complètement à ça, il est très élégant, même un peu féminin.

Fan de BD effectivement; votre nom de scène vient d’une bande dessinée, un personnage de Ptiluc, et pas du tout d’Ovide…

Ovidie: Oui, un nom que je me suis choisi très jeune, une petite rate, qui vit en marge de la société des rats et qui prépare une révolution… Rien à voir avec la poésie latine et l’image d’intello qu’on m’a collée à l’époque! Une image que je n’ai jamais revendiquée, plutôt subie: c’est une manière de discréditer les autres actrices; si moi je suis une intello, toutes les autres sont forcément débiles.

Mais vous faites aujourd’hui des métiers dits intellectuels. Vous écrivez…

Ovidie: Oui, mais ce n’est pas incompatible d’être à la fois une femme « sexuelle » et pensante. Ça fait plus de dix ans que je ne suis plus actrice, quatorze ans que je réalise, que j’écris, mais dès que l’on sait que je fais autre chose qu’écarter les jambes, on m’y ramène. « C’est l’actrice, qu’elle retourne dans sa position. » Ceci dit, je n’ai jamais voulu changer de pseudo, j’assume ce qui est. Et je continue à travailler sur le thème de la sexualité.

Comme Jérôme: vous aviez déjà goûté au genre avec l’album collectif Premières fois. Pourquoi cette envie d’y retourner alors que vous travaillez sur des choses plus « classiques », comme une série à paraître chez Dupuis?

Jérôme d’Aviau: Cette première expérience, travailler là-dessus, m’a vraiment libéré d’un poids, m’a mis à l’aise avec beaucoup de choses. On ne dessine pas innocemment des gens à poil, surtout quand, comme moi, l’idée n’est pas de faire du voyeurisme ou de la surenchère. Je voulais quelque chose qui soit compatible avec l’image que je me fais, et que j’aimerais que les gens se fassent, de la femme, de la sexualité, de l’intimité. C’est beaucoup moins anodin que de dessiner un barbare avec une épée.

Justement, peut-on lire un « discours » à travers ces dix histoires de cul très différentes?

Ovidie: Un discours je ne sais pas, peut-être une intention. Je ne pense pas qu’il s’agit d’une BD féministe, même si le point de vue est souvent féminin, et parfois le mien. Et je ne dirais pas qu’elles prennent souvent le pouvoir dans nos histoires, mais plutôt les décisions. Ce n’est pas la même chose.

Que reste-t-il d’inavouable dans ces histoires? Rien que l’on ne voit pas en cinq minutes sur Internet…

Ovidie: Le plus inavouable aujourd’hui, c’est la contre-performance, les petits ratés. Le sexe, au cinéma, dans la presse, en BD, est toujours axé sur la performance, l’exception. Or on essaie ici d’être juste… humain. Ce sont généralement les histoires que l’on se raconte en se marrant, en fin de soirée, « allez maintenant je peux le dire »

Alors, pornos ou érotiques, vos histoires?

Jérôme: La différence ne tient pas seulement dans la représentation d’une érection ou d’une pénétration. La vraie différence est surtout sociale: l’érotisme est respecté, mais le porno c’est honteux. La différence est souvent dans le regard. Moi j’assume de faire ici du porno, c’est juste une terminologie, pas une insulte. Le terme « érotique » permet de se draper dans une vertu, or certains font une BD dite érotique d’une vulgarité sans nom. Moi, je dessine des bites, des chattes. Mais des belles chattes. Je n’ai pas de pudibonderie, ça n’implique pas pour autant de faire du trash.

  • HISTOIRES INAVOUABLES, D’OVIDIE ET JÉRÔME D’AVIAU, ÉDITIONS DELCOURT, 102 PAGES.

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