Le festival de BD d’Angoulême met en avant les femmes et les « petits » éditeurs

Emil Ferris © AFP
FocusVif.be Rédaction en ligne

En attribuant samedi soir son « Fauve d’or » du meilleur album BD à l’Américaine Emil Ferris, le jury du 46e festival d’Angoulême, en France, a réparé un long oubli des femmes dans le palmarès du plus convoité des prix de BD.

Emil Ferris, 56 ans, récompensée pour « Moi, ce que j’aime, c’est les monstres » est seulement la sixième femme couronnée par la récompense suprême, depuis la création du festival en 1974.

La dernière lauréate en date était la franco-iranienne Marjane Satrapi pour « Poulet aux prunes » en 2005.

Le jury, présidé cette année par l’une des chefs de file de la BD belge d’avant-garde, Dominique Goblet, a également mis en avant les « petites » maisons d’édition (comme Atrabile, Presque lune, 2024… qui obtiennent chacune un Fauve) au détriment des maisons les plus connues du public comme Dargaud, Glénat, Dupuis ou encore Delcourt qui repartent bredouilles du festival.

La cérémonie de remise des prix s’est déroulée en présence du ministre français de la Culture Franck Riester qui avait profité auparavant de sa présence à Angoulême pour proposer que 2020 soit l' »année de la BD ».

« Moi, ce que j’aime, c’est les monstres », premier roman graphique d’Emil Ferris, est édité par Monsieur Toussaint Louverture, une maison encore novice dans le domaine de la BD.

Pavé de 400 pages à la fois passionnant et surprenant, réalisé avec des stylos bille et des feutres, ce roman graphique, encensé par les critiques, se lit comme le journal intime d’une fillette fascinée par les créatures monstrueuses.

Parfois qualifié d' »objet littéraire non identifié », ce roman graphique a déjà été récompensé par trois Eisner Awards, dont meilleur album et meilleur auteur, au festival Comic-con de San Diego aux Etats-Unis. Il avait reçu, juste avant le festival, le prix ACBD des critiques de bandes dessinées.

Surtout, cet ouvrage tient du miracle. Il a été dessiné pendant les quatre années et demie de convalescence d’Emil Ferris, suite à une méningo-encéphalite contractée le jour de son 40e anniversaire.

Le sang infecté par le virus du Nil occidental, l’auteure qui se déplace encore avec une canne, était guettée par la paralysie. Pour qu’elle puisse continuer à dessiner, ses proches lui fixaient un stylo sur la main avec des bandes adhésives.

Un Fauve pour Gustave Doré

L’histoire racontée par Emil Ferris se déroule à Chicago dans les années 1960. Karen Reyes, gamine de 10 ans, se passionne pour les fantômes, les vampires et les créatures fantastiques. Elle préfère s’imaginer en loup-garou et passe son temps à recopier des couvertures de magazines « gore ».

Lorsque sa voisine Anka Silverberg, survivante de la Shoah, meurt d’une balle dans le coeur, elle mène des recherches sur l’Allemagne nazie et découvre la réalité complexe des monstres.

Mêlant à la fois souvenirs d’enfance, drame familial et récit historique, l’album constitue une ode à la différence et un plaidoyer en faveur du respect de l’Autre.

Le Fauve prix spécial du jury a été attribué au Belge néerlandophone Brecht Evans pour « Les Rigoles » (Actes Sud BD).

Spécialiste de l’aquarelle, l’artiste belge avait déjà été récompensé à Angoulême en 2011 par le prix de l’audace.

Son album de plus de 300 pages raconte les errances de trois noctambules dans une ville imaginaire.

Le Fauve révélation a été décerné à Emilie Gleason pour « Ted drôle de Coco » (Atrabile), bel album qui traite d’une façon tragi-comique la question de l’autisme.

La curiosité est l’attribution du prix du patrimoine à… Gustave Doré, le célèbre illustrateur mort à Paris en 1883. Le jury a en fait récompensé la réédition par la maison d’édition 2024 des « Travaux d’Hercule », un ouvrage paru pour la première fois en 1847 quand Gustave Doré avait 15 ans.

L’an dernier, le Fauve d’or avait été attribué à Jérémie Moreau pour « La saga de Grimr » (Delcourt).

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