Laurent Raphaël

L’édito: Le sens de la fête

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Il y a un an d’ici, alors que Paris pleurait ses morts et que Bruxelles cédait à la psychose, on se demandait si ce n’était pas indécent de fêter Noël comme si de rien n’était. Douze mois et un mardi noir plus tard, la question se repose.

Il y a un an d’ici, alors que Paris pleurait ses morts et que Bruxelles cédait à la psychose, on se demandait si ce n’était pas indécent de fêter Noël comme si de rien n’était. Douze mois et un mardi noir plus tard, la question se repose.

A cette nuance près que la peur panique de l’inconnu a cédé la place à une forme de résignation déprimante contre laquelle chacun lutte comme il peut. En tentant de remettre du lien social là où il s’était effiloché pour les uns, en s’en remettant aux recettes musclées des marchands d’un conservatisme identitaire pour les autres, beaucoup plus nombreux.

Sur le fond, la réponse reste la même: pourquoi faire l’impasse sur un rituel sacré, aussi gangréné soit-il par la pieuvre mercantile? Malgré ses longueurs, ses prises de bec, sa gastronomie clinquante, le repas de Noël, s’il ne résoudra pas le conflit en Syrie, entretient les liens d’une structure familiale qui risque fort sans ce service minimum d’atterrir aux objets perdus. Avec un peu d’imagination, on pourrait même penser que ce rassemblement hétéroclite de générations et de profils sociologiques variés flirte avec l’expérience métaphysique en imposant son rythme lent -minuit reste minuit, nouvelles technologies ou pas- et ses langueurs monotones.

Focus spécial cadeaux, en vente dès le 1er décembre 2016 avec Le Vif/L'Express.
Focus spécial cadeaux, en vente dès le 1er décembre 2016 avec Le Vif/L’Express.© Illustration: Zeina Abirached

Vu comme le vent tourne, il ne serait toutefois pas idiot de faire cette année des provisions de biens culturels à haute valeur nutritionnelle. Cela tombe bien, notre hotte spécialement décorée avec les dessins originaux de Zeina Abirached, l’auteure du formidable Piano Oriental (éds. Casterman) en regorge. Car à force de vouloir se vacciner contre les ennemis de tous poils, on va finir par s’automuseler bien comme il faut. Il n’est peut-être pas si loin le temps où les apôtres d’un populisme rance dicteront ce qui peut ou non rentrer dans les bibliothèques, les discothèques ou les bédéthèques…

A ces généralités s’ajoute une raison très prosaïque et universelle de se taper la cloche: profiter tout simplement des plaisirs de l’existence. Le dire, c’est enfoncer une porte grande ouverte tenue par Paulo Coelho. Sauf quand le destin tragique vous ramène brutalement à l’essentiel. Ainsi de la disparition inopinée de notre collègue Pierre Michel, secrétaire de rédaction méticuleux doublé d’un camarade prévenant et éminemment sympathique. Où qu’il soit nous le saluons. Et pensons très fort à sa femme et à sa fille.

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