Krump, l’art BD 2.0

© Krump

Si le nom de Krump évoque peu, on reconnaît pourtant les traits de l’illustrateur bruxellois entre mille, notamment grâce à deux clips qu’il a réalisés dernièrement pour Roméo Elvis. Derrière ces dessins aux lignes claires, on découvre un jeune homme à haute modestie qui prévoit de sortir sa première BD. Rencontre.

Son histoire semble être le fruit d’un hasard. Krump nous explique qu’il a réalisé deux clips (Drôle de décision et Ma tête) pour le rappeur belge Roméo Elvis « de fil en aiguille », après en avoir créé un premier pour le rappeur carolo JeanJass pendant ses dernières années d’université. Mais en réalité, le récit est moins anodin que ça. Krump, de son vrai nom Julien Kremer, a commencé le dessin jeune mais pour le fun: « J’ai fait pas mal de BD quand j’étais plus jeune. Ce n’étaient pas des cours de dessin, mais plutôt des cours de mise en page, de mise en scène. » S’il a appris les techniques sur le tas avec des tutos vidéo, Krump a quand même longtemps baigné dans le milieu artistique, même pendant ses études: « J’ai toujours dessiné mais quand j’ai commencé l’université cela m’est un peu passé, je voulais plus bosser dans l’écriture, la réalisation et tout ça. J’ai commencé absolument par hasard sans avoir fait d’études de dessin. J’ai fait l’ULB en écriture cinématographique et à la base je voulais écrire des scénarios. Et puis j’ai rencontré JeanJass via un collectif de réalisateurs de l’ULB dans lequel j’étais. Enfin réalisateurs c’est un grand mot, c’étaient tous les types qui étaient avec moi dans ce fameux master. On faisait des petits aftermovies, des soirées… Et puis j’ai fait ces clips pour JeanJass » comme Viande grillée mais aussi Pas ton problème.

Lignes claires et contours gras

Pour décrire le trait Krump, on choisit des contours gras noirs, de simples lignes claires et une palette noir et blanc mixée à quelques touches de couleur. Une identité visuelle typique BD « à la Hergé« , dit-il. Mais aussi, avec patience et minutie, l’ingrédient principal de ses dessins se compose de papiers calques superposés quadrillés en zones: « Je bosse quasi que d’après des photos. En général, je prends des photos et je travaille sur table lumineuse, sur papier ou pinceau, à l’encre noire. Je les scanne et je fonctionne couche par couche: les traits d’abord, puis la couleur numéro une, ensuite la seconde… Un dessin peut parfois aller jusqu’à 8 couches. Et puis je remets ça sur Photoshop avec la vectorisation automatique parce que je n’aime pas perdre trop de temps. Par exemple pour le dessin de Roméo Elvis, j’ai divisé l’ensemble en 4 parties, les têtes à gauches, celles à droite, et pareil pour le bas. Puis je reconstitue tout. »

Krump, l'art BD 2.0
© Krump

L’histoire des clips animés avec Roméo Elvis a commencé sur un tournage approximatif: « Ce tournage, on l’a un peu fait trop à l’arrache à mon goût, je n’aimais vraiment pas les images et je ne sais plus trop comment mais j’ai commencé à dessiner par-dessus et au final maintenant je ne fais plus que ça. » Pour le dernier clip, Ma tête, il aura fallu 7 mois de labeur pour arriver à un résultat de 3min35 d’animation: « Ce clip, c’est du 12 images par seconde, en gros c’est de l’animation traditionnelle. On a organisé un tournage, qui a duré 2 jours. Mais le plus long, ce n’est pas vraiment de dessiner. C’est parce que je ne bosse pas trop à partir d’un scénario. En général j’ai une idée, j’ai un univers en tête. Je fais des plans mais je ne sais jamais vraiment ce que ça va donner donc je prends beaucoup de temps après pendant le montage pour assembler les images, surtout avec d’autres idées qui se rajoutent par la suite. »

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Une BD 2.0 à venir

Côté sources d’inspiration, Krump parle de « millions » de mentors. Il cite notamment le noir et blanc du grand Charles Burns ou encore les puissantes aquarelles du Bruxellois Dave Decat: « Il est incroyable mais il ne dessine vraiment pas beaucoup. Ce qui est ultra frustrant parce que c’est chaud de retrouver ses illustrations sur Internet. Il a fait une campagne pour la marque Carhartt notamment, en 2004 ou en 2005 et je me souviens c’est un truc qui m’avait ultra fort marqué avec ses traits reconnaissables. Dans la campagne, il avait dessiné des rues du quartier à Flagey, genre la rue Gray. Lui il m’a beaucoup marqué. Sinon il y a aussi Charles Burns, c’est du noir et blanc, très classe. Il a fait ses études avec Matt Groening, celui qui a fait les Simpsons. »

Sinon, le moustachu évoque un objet du quotidien comme ligne directrice de plusieurs de ses créations, à l’origine notamment de sa future et 1re BD à venir: le smartphone. « Je suis assez fasciné par les téléphones, je suis fasciné par la place que ça a pris, j’adore les dessiner. Ça fait deux ans que je travaille sur une BD qui se passe beaucoup sur smartphone. » Un travail de longue haleine, donc, que l’illustrateur se doit de protéger avant sa sortie, en ne livrant que quelques informations sur le sujet: des planches autobiographiques en noir et blanc avec un soupçon de couleurs.

Krump, l'art BD 2.0
© Krump

En attendant, preuve que le bouche à oreille et Instagram payent bien, Krump vit aujourd’hui de son métier en tant qu’indépendant, en travaillant notamment sur des affiches de festivals ou encore pour l’univers graphique de la Nanobrasserie de l’Ermitage. Il parle aussi de se lancer dans d’autres clips d’animations mais dans de plus larges horizons: « J’aimerais aussi m’essayer à d’autres univers musicaux en plus du rap. En Belgique, ça bouge énormément, il y a plein de super bons groupes pas spécialement dans ce milieu-là qui ont le potentiel et qui devraient monter, des groupes comme La Jungle ou BRNS. » Quand on lui demande pourquoi il ne frappe pas aux portes d’artistes pour proposer ses services, on retrouve cette modestie qui le caractérise bien: « Je suis assez pudique comme personne, de base. Donc vu je fais de l’illustration, je pense que ce sont plus des gens qui ont un projet précis et qui se disent que mon travail pourrait coller avec ce qu’ils ont en tête qui viendraient vers moi. Plutôt que moi qui aille vers les autres, cela serait peut-être un peu prétentieux de ma part. » À 28 ans, sa route du dessin semble déjà tracée même si percer dans le milieu s’avère compliqué: « J’aimerais enchaîner des projets où on te laisse de la liberté, si je peux continuer à vivre de ça. J’aimerais raconter des histoires mais c’est aussi la partie la plus complexe. Pour le moment pour cette BD, je me prends bien la tête parce qu’il ne faut pas que cela soit bâclé, c’est mon plus gros projet pour le moment. Et je prévois un crowdfunding pour pouvoir l’éditer. »

Muna Traub

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