Critique | Livres

Jeff Smith, jusqu’à l’os

RASL © Jeff Smith/Delcourt
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

COMICS | L’auteur de Bone s’offre un délire SF plus sombre et plus adulte que son célèbre personnage, mais ne perd rien de son imaginaire -fécond- ni de son originalité.

Jeff Smith, jusqu'à l'os

Admettons -pas le choix, comme souvent dans les comics-: sur base des journaux intimes de l’ingénieur serbe Nikola Tesla (1856-1943), un ex-ingénieur militaire traumatisé mais féru d’électromagnétisme, baptisé RASL en majuscules, a trouvé le moyen d’abolir les lois de la physique, et de voyager dans de multiples mondes parallèles. Pour ce faire, il est armé seulement d’un masque qu’on croirait volé au musée de l’Afrique, et de deux réacteurs littéralement coincés sous les bras. Des voyages qui secouent, et au travers desquels on risque vite de perdre le Nord et la boule, surtout lorsqu’on y est poursuivi par un étrange tueur à tête de mouton, genre Chupacabra bien flippant. Mais si ce comics ne ressemble à aucun autre, on peut tout de même s’accrocher à quelques repères: de grands pouvoirs impliquent comme d’hab de grandes responsabilités, et Jeff Smith fait toujours preuve d’un étonnant imaginaire, à défaut d’un mémorable coup de crayon.

Des rats-garous à Bob Dylan

Jeff Smith est une énigme, tout comme le succès de Bone. Née dans de petits comics noir et blanc auto-édités dès 1991, cette série ne ressemble, vraiment, à aucune autre. Mélange de fantasy, de Tolkien et de Disney, les aventures de Fone Bone et de ses improbables cousins, sortes de gros fantômes à gros nez, au pays des rats-garous et des dragons, auront fini par attirer plus de 100.000 lecteurs au terme de 55 volumes, regroupés et mis en couleur depuis dans de multiples éditions, elles aussi couronnées de succès. Un succès dû à l’imaginaire débridé et réellement original de son auteur, self-made-man assumé, que l’on retrouve dans ce récit cette fois nettement plus adulte et violent que Bone. Pas d’humour ni de petits personnages rigolos ici, mais bien une succession d’ambiances tendues, de bagarres violentes et de sauts dans l’espace-temps qui font apparemment bien mal au bide. Les fans de Bone n’y trouveront comme similarité qu’un semblable sens du récit et du découpage, ce même trait un peu gras, presque grossier, lui aussi atypique, et ce plaisir du contrepied et de la surprise, venue de nulle part: ici, c’est ainsi le nom de Bob Dylan, changeant d’un univers à un autre, qui sert de repère à RASL. Cette mini-série, réalisée entre 2008 et 2012, toujours en noir et blanc, fait désormais l’objet d’une trilogie en couleurs, chez le même éditeur que Bone. En espérant, évidemment, un même impact. Peu probable, mais pas moins intéressant pour autant.

  • DE JEFF SMITH, ÉDITIONS DELCOURT, TRADUIT DE L’AMÉRICAIN, 160 PAGES.

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