Critique | Livres

Damon Galgut – Dans une chambre inconnue

Damon Galgut © Nigel Maister
Marie-Danielle Racourt
Marie-Danielle Racourt Journaliste livres

ROMAN | Spectateur de sa propre quête inaboutie, Damon Galgut part à la recherche d’une improbable sagesse à travers des paysages magiques.

Damon Galgut - Dans une chambre inconnue

C’est une magnifique leçon d’humanisme que nous donne Damon Galgut dans sa Chambre inconnue. Divisé en trois séquences révélatrices de l’état d’esprit du narrateur, successivement suiveur, amant et protecteur, ce récit singulier aborde les relations difficiles de personnages nomades, tissées dans des paysages grandioses. Le premier volet du livre se situe en Grèce. Le narrateur, âgé de 20 ans, y rencontre Reiner, un touriste allemand qui affole sa sensibilité. Tous deux sont plongés dans une immense solitude, que les longues randonnées ne parviendront cependant pas à effacer. Damon voyage sans but, regarde autour de lui, ne s’aime pas et ne se sent ancré dans aucun espace; Reiner voyage pour réfléchir, à cause d’une femme. Ils se quitteront sans s’être apprivoisés. Dans la deuxième partie du récit, le narrateur rejoint par hasard un trio de touristes pour parcourir la Tanzanie et le Zimbabwe et, si la volupté des premiers jours est réelle, « il conserve en lui cette trace mélancolique d’inquiétude ». Car le narrateur, ce « moi solitaire » dont parle Damon Galgut, n’est qu’un nomade en quête d’amour dont « ni l’intensité de la chaleur ni la marijuana ne calmeront vraiment l’anxiété ». Et quand enfin, il croit avoir rencontré l’âme soeur, un drame brutal vient lui ôter toute illusion de bonheur. N’aimera-t-il donc jamais?

Voyage immobile

Conscient de son incapacité à aimer, c’est en Inde qu’il entreprend la dernière partie de son triptyque aux côtés d’Anna, une vieille amie malade auprès de qui il se doit d’endosser un rôle de protecteur. Suicidaire, schizophrène et incontrôlable, elle mène Damon à la limite de sa résistance. Et c’est l’apprentissage pour lui de l’humiliation, d’un dévouement indéfectible et d’une prise de conscience que plus rien ne sera jamais comme avant. Car quand on a côtoyé la mort à plusieurs reprises, il est extrêmement hasardeux de continuer à vivre. Il est à nouveau temps de partir…

Si les paysages ravissent l’imagination du lecteur au cours des premiers voyages, ils s’estompent peu à peu pour laisser la place à l’essentiel, la relation difficile à l’autre au cours de cette errance. Se glissant dans la peau d’un narrateur double, tantôt « je », tantôt « il », Damon Galgut invite à un roman perturbant, « histoire de ce qui n’advient jamais, d’un long périple où l’on reste immobile ». D’une grande sensibilité, l’auteur sud-africain trouve le ton juste pour nous y parler de notre moi intime. Et pour nous conter les moments les plus douloureux avec pudeur et justesse. Un très beau roman.

  • Dans une chambre inconnue de Damon Galgut, traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Hélène Papot, éditions de L’olivier.

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