Comment se porte le livre belge?

Premier jour de la Foire du livre de Bruxelles, le jeudi 14 février 2019 © belga

Le bilan annuel 2018 du livre de la fédération Wallonie-Bruxelles était présenté ce lundi. Pendant que les profits du marché du livre en Belgique continuent de dépendre des exportations, les politiques de promotions culturelles territoriales progressent. Seul un Belge sur deux lit des livres.

Alors que les ventes de livres en néerlandais enregistrent une baisse légère, celle des titres francophones enregistre une modeste hausse. L’année 2018 a enregistré 267,93 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 266,13 millions d’euros l’année précédente. Deux objectifs principaux du Service général des Lettres et du livre (SGLL) persistent. Soutenir les acteurs et les métiers en favorisant l’aide à la création, la traduction, à l’édition, à la diffusion ainsi qu’à la numérisation ainsi que promouvoir la lecture et la langue française.

Transformations du marché

En 2017, la sortie du dernier tome d’Astérix avait dynamisé les ventes de livres en Belgique avec plus d’un million et demi de copies commercialisées. L’absence d’un tel titre à succès en 2018 explique partiellement la diminution globale des ventes. La chute des ventes se situe aussi du côté de produits éditoriaux tels que les dictionnaires, les atlas ou encore les encyclopédies, concurrencées par les éditions numériques. D’après l’ADEB (l’Association des éditeurs belges), le chiffre d’affaires du livre francophone en Belgique a diminué d’environ 4% en 2018, accompagné d’une chute du nombre d’exemplaires vendus de plus de 8%. Ceci alors que les ventes en ligne explosent, via les géants de la distribution étrangers tels qu’Amazon ou sur des sites de libraires nationales.

La dernière législation sur le prix des livres datant d’octobre 2017, visant à la protection culturelle du livre remonte à 1982. Après une dizaine de propositions de loi du gouvernement, le projet est finalement voté à l’unanimité par la Commission de la culture. Cette mesure permettant la vérification des prix de ventes de chaque titre commercialisé vise à « préserver la pluralité des canaux de vente et la diversité de la création afin de garantir au public le maintien d’une offre diversifiée ».

Des « changements fondamentaux dans la structure des canaux de vente » sont observés par l’ADEB. La vente de livres en Belgique par Amazon serait désormais estimée à 20% du marché. Alors que trois quarts du marché belge du livre en langue française consiste d’importations, les ventes à l’exportation ont augmenté de 5% en 2018, le nombre total d’exemplaires vendus augmentant de 8%. Les BD, la marque de fabrique belge sur le marché ainsi que les manuels scolaires sont les principaux produits commercialisés hors du territoire. Les livres belges francophones exportés à l’étranger ont augmenté de 4% depuis 2014.

Promotion de la lecture

D’après un sondage mené en 2018 par Ipsos, 85% de la population belge déclare lire. Mais le président de l’ADEB, Benoît Dubois, recommande d’interpréter ce chiffre avec caution. « Si la population est représentée par le nombre 100, on peut enlever 20 illettrés, ce qui doit être le chiffre réel, explique-t-il à nos confrères du Soir. Le sondage ne se fait donc que sur 80, et les 85% de lecteurs ne représentent plus donc que 68, disons 70. Et sur ces 70, 30% disent lire mais jamais de livres, ni en imprimé ni en numérique. Restent donc 49, disons 50 lecteurs de livres. Un Belge sur deux. »

« Nous ne sommes qu’au début de la grande plongée », soupire le président de l’ADEB. Il est donc essentiel, pour redynamiser la lecture de livres, de promouvoir une politique culturelle favorisant le développement de foires et autres manifestations littéraires.

Inspiré par Lire en Fête, l’initiative de Jack Lang datant de 1989, son équivalent belge la Fureur de Lire fût créée en 1991. La dernière édition, bénéficiant d’un budget de 40.000 euros, ne comptait pas moins de 221 activités. La Petite Fureur est une initiative plus récente qui consiste en un concours dédié aux enfants de 3 à 13 ans. Primant originalité et création, les jeunes sont invités à créer individuellement ou par groupes jeux, dessins, chansons ou encore pièce de théâtre.

Des efforts de présence dans les foires et divers salons du livre ont été faits autant en Belgique qu’à l’étranger: de Paris à Shanghai, ceci a contribué à renforcer la visibilité de la création littéraire belge. La Foire du livre de Bruxelles, en février 2018, consistait en quatorze rencontres ainsi qu’une exposition, principalement dédiée à la littérature belge contemporaine la dernière édition a rassemblé quelque 70.000 visiteurs.

La Fête de la bande dessinée de Bruxelles, organisée en septembre 2018, fut l’occasion d’octroyer le prix Atomium à la lauréate Aurélie William Levaux. Alliant broderie sur tissu et dessin sur papier, l’artiste innove, contribuant au renouvellement de l’art de la bande dessiné. Le Prix annuel de la première heure fût remporté l’année dernière par Harold Schuiter pour son roman Tu vas aimer notre froid. OEuvre inspiré de son voyage insolite dans le village le plus froid de Sibérie son récit autobiographique porte un regard de candide sur une Sibérie perdue aux confins du monde. Le Grand prix triennal de littérature de jeunesse 2018 a été décerné au Bruxellois Thomas Lavachery pour l’ensemble de son oeuvre. Jamais le prix n’avait auparavant récompensé un romancier.

Pratique de lecture

D’après le rapport, pour 14 livres papier lus, 9 sont achetés, tandis que pour 8 titres digitaux lus, 4 sont achetés (les 4 autres ayant été empruntés ou piraté). Une autre tendance mettant en péril les libraires : le budget moyen annuel de livre numérique a augmenté en 2018 de 69,60 à 88 euros alors que le budget moyen annuel dédié aux livres imprimés enregistre une légère baisse de 129 à 127,6 euros.

L’étude statistique conduite par l’ADEB en 2018 observe que 94% des lecteurs et lectrices lisent sous format imprimé, dont 42% exclusivement. 6% d’entre eux liraient exclusivement au format numérique. Les téléchargements de livres audios ont enregistré une augmentation de 10 à 13%.

Une des dernières avancées du réseau de libraires de la région est la plateforme numérique Librel. Cette plateforme permettant l’achat et le téléchargement de titres et autres médias culturels a enregistré une augmentation significative entre 2015 et 2017, avec une multiplication par plus de 10 de ses téléchargements. Effort de résistance des librairies face aux géants de la distribution en ligne, Librel rassemble plus de trente librairies indépendantes de la Fédération Wallonie Bruxelles.

Le marché du livre continue à se métamorphoser, tel qu’en témoignent les statistiques. Les dynamiques et moyens de lecture changent, cependant, la promotion favorisant la lecture, au niveau de l’éducation, par les initiatives variées ainsi que par le développement des réseaux bibliothécaires se renforcent. Persiste un problème quantitatif, comme le pointe Benoît Dubois, président de l’ADEB. Les méthodologies actuelles utilisées sont dépassées. Ce dernier espère pouvoir publier un rapport plus exact, similaire à celui produit par le Ministère de la Culture français, d’ici l’année prochaine.

Jean Castorini

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