10 minutes avec Douglas Kennedy

Douglas Kennedy © Reuters

10 minutes montre en main, c’est ce que l’on appelle une interview express. Après plusieurs essais infructueux, on arrive enfin à joindre Douglas Kennedy, à l’occasion de la sortie de son premier recueil de nouvelles Murmurer à l’oreille des femmes. Il nous parle de son retour à Manhattan, où il est né.

L’auteur du bestseller international L’Homme qui voulait vivre sa vie (adapté en 2010 au cinéma avec Catherine Deneuve et Romain Duris) a la réputation d’être hyperactif et de fait…10 minutes top chrono, c’est tout le temps qu’il nous accordera, un lundi midi, entre une course en taxi et un tournage sur lequel il se rend à Paris. Juste assez pour nous annoncer qu’il s’est acheté, il y a deux semaines, un loft, non pas dans l’Upper West Side où il a grandi, ni dans le « charmant » West Village, mais bien dans un tout autre coin de Manhattan, à Koreatown, en plein Midtown. A quelques blocks du Garment District, quartier ou les manufactures de textile étaient florissantes dans les fifties, Douglas Kennedy a investi un ancien magasin des années ’30 et déclare aimer fortement cette ambiance « ringarde et populaire ».

K-Town de son petit nom, une enclave dense peuplée de petits magasins et de restaurants à l’ombre de l’Empire State Building, des rues qui suintent les effluves de BBQ asiatique et où l’on voit s’échapper les fumeroles de vapeur blanche des derniers ateliers de confection textile encore en activité sur la presqu’île. Un quartier aux rues étroites et sombres qu’il dit préférer au plus propret et vert Upper West Side dans lequel il a passé son enfance: « A l’époque, l’UWS était un quartier d’intellectuels, le centre de la Nouvelle Vague, avec de nombreuses librairies indépendantes. Il y avait aussi beaucoup d’immigrés et au niveau de la 72e rue et de Broadway, c’était vraiment glauque, au crépuscule, le quartier devenait violent et dangereux avec des accrocs à l’héroïne qui trainaient dans les rues. L’endroit a bien changé de nos jours, il est devenu très BCBG », déclare-t-il dans son très bon français saupoudré d’un petit accent anglais chantant.

« BCBG », un qualificatif que Douglas Kennedy préfère à l’éculé « bobo » pour ce coin du haut de Manhattan plus connu de nos jours, suite à la forte gentrification des dernières décennies, comme le « Golden Square » avec ses duplex de luxe à plusieurs millions de dollars. Direction Midtown, donc, pour son nouveau pied-à-terre. Si le quartier peut sembler atypique pour le plus européen des auteurs américains, ce dernier déclare lui trouver plus d’authenticité et être inspiré par son atmosphère désuète. Douglas Kennedy désire dorénavant y habiter 3-4 mois par an, et passer le reste de l’année en Europe, à Paris, Berlin et à Londres (ses enfants y vivent) ou encore dans sa maison du Maine.

Socialite, Kennedy? Il dit en tout cas compter de nombreux amis à NYC, il est aussi enchanté de pouvoir se rendre de son appart en à peine 10 minutes dans les meilleures boites de jazz de la ville, et d’avoir à 15 minutes de son pas de porte les prestigieuses collections du MoMA. Mais ce retour à NYC est peut-être aussi sa façon à lui de combler le gouffre qui existe entre la mentalité américaine et européenne et qui fait souvent le thème de ses romans, un moyen également de se réconcilier avec ses racines et de rétablir sa réputation dans la ville qui l’a vu naître mais où il n’a jamais eu le même succès qu’en France et en Grande-Bretagne. L’acquisition de ce nouvel appartement new-yorkais sonne d’ailleurs comme un retour aux sources pour celui qui a été longtemps boudé par la critique aux States, société qu’il critique ouvertement dans ses romans, mais dont il avoue « appartenir totalement ».

A l’image du héros de son roman The Job (Les désarrois de Ned Allen), qui connaît une descente aux enfers dans la jungle de Wall Street, Douglas Kennedy a vécu, lui aussi, des moments difficiles tout au long de sa carrière d’écrivain, se retrouvant sans aucun éditeur dans son propre pays pendant 8 ans, « une blessure » pour l’auteur traduit en 18 langues et qui jouit d’une grande renommée en Europe. Aujourd’hui, Douglas Kennedy, sur un ton serein, mais empreint d’une certaine résignation, avoue accepter cette inévitable « struggle for life » qui sévit dans la ville de tous les extrêmes: « C’est comme ça à NYC, tout le monde est drogué, obsédé par le succès! », nous lâche-t-il en clôture d’interview. Et on ne pourrait mieux dire au terme de cet entretien téléphonique qui ressemble à une véritable bataille contre le temps.

Murmurer à l’oreille des femmes

10 minutes avec Douglas Kennedy

Après avoir sorti en octobre dernier un nouveau roman Five Days (Cinq jours aux éditions Belfond), Douglas Kennedy publie son premier recueil de nouvelles exclusivement en français: Murmurer à l’oreille des femmes. Ces courtes histoires, dont Couche-Tard, écrite en exclusivité pour Focus, ont été initialement publiées dans la presse (Elle, Vogue, Femme Actuelle,…), elles abordent les grands thèmes chers à l’écrivain: la solitude, les amours ratées, les couples au bord de la crise de nerfs, la possibilité de changer de vie, l’art de la fuite… mais aussi les femmes, et méfiez-vous du titre un peu bateau, Douglas Kennedy n’est pas vraiment tendre avec ces femmes aux oreilles desquels il murmure…

De Douglas Kennedy (Belfond) – 264 pages – 21,00 €

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