Laurent Raphaël

L’édito: Lâcher prise

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Pour bien faire, il faudrait attendre la fin juin pour les bonnes résolutions.

Les bonnes résolutions, on les prend en général le 1er janvier. Et quinze jours plus tard, elles sont déjà enterrées. Le froid, l’obscurité… À cette période de l’année, où survivre n’est déjà pas simple, les conditions ne sont pas réunies pour infliger des heures supplémentaires à sa détermination. C’est un peu comme se lancer dans l’ascension de l’Annapurna avec des tongs aux pieds.

Pour bien faire, il faudrait attendre la fin juin. Avec la perspective imminente de sortir la tête du guidon, les chances de tenir ses belles promesses passent de zéro à quelques pourcents. Encore faut-il ne pas se tromper de résolution pour s’épargner les désillusions. S’il est bien sûr urgent d’arrêter de fumer, de faire du sport, d’aimer un peu plus son prochain, par les temps qui courent, il est peut-être encore plus impératif de se RE-CEN-TRER. Sinon toute tentative de se réinventer en mieux est vouée à l’échec, car c’est l’éparpillement de soi qui est bien souvent à l’origine du stress, du manque d’énergie ou de la frustration qui pourrit nos existences.

Comment s’immerger dans un livre quand on scrute son smartphone toutes les cinq minutes?

Mais se recentrer, ça veut dire quoi exactement? Même si elle n’a pas encore pris totalement le pouvoir, la machine a déjà imposé son rythme effréné. Notre cerveau est constamment sollicité, appâté, interpellé, pantin désarticulé rebondissant au gré des hyperliens. Comment s’immerger dans un livre quand on scrute son smartphone toutes les cinq minutes? Comment communier lors d’un concert quand on inonde en même temps Twitter?

Le multitasking nous dévore, nous consume de l’intérieur. Voilà pourquoi cet été, profitons du ralentissement saisonnier pour nous dépouiller, reprendre le contrôle de notre esprit. À l’accumulation frénétique et stérile, préférons le tri culturel sélectif (à l’aide de notre guide des festivals). Prenons exemple sur Eddy qui, en 69, a construit sa victoire légendaire au Tour en vivant à fond chaque étape, sans se disperser. Ce n’est que comme ça qu’on arrive au sommet. Si pas de la volatile course au clic, du moins au sommet de soi-même. À méditer entre deux posts sur Instagram de son assiette de fruits de mer…

PS: la semaine prochaine, Focus passe à l’heure d’été. Au menu: des séries et des nouvelles inédites. Stay tuned!

L'édito: Lâcher prise
© Rebecca Rosen

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