Laurent Raphaël

Faut pas rêver!

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Souvent explicites, les références à cet arpenteur infatigable de l’inconscient qu’est Magritte imbibent le tissu culturel.

L’édito de Laurent Raphaël

Tous les courants artistiques ne sont pas égaux devant l’Histoire. Certains ne font que passer, comme le fauvisme ou le schématisme, alors que d’autres s’enracinent, s’éclipsant un moment avant de revenir faire tourner à plein régime le moteur de l’inconscient collectif comme s’il leur restait toujours quelques gouttes de carburant dans le réservoir. Le pop art n’a ainsi presque jamais quitté l’autoroute des arts plastiques depuis qu’Andy Warhol et ses compères ont sublimé la société de consommation pour mieux en souligner la vacuité. Logique quelque part puisque le sol riche en sels libéraux sur lequel pousse la comédie humaine n’a pas été retourné depuis. Du coup, la critique élaborée par les artificiers de la culture de masse dans les années 60 fait toujours mouche.

Plus surprenant par contre est la persistance rétinienne dans le paysage de la création contemporaine d’un autre mouvement pictural, qui est apparu lui dans un autre biotope historique: le surréalisme (né « officiellement » avec le manifeste de Breton en 1924). Et singulièrement celui, ludique, poétique, intuitif, de notre compatriote René Magritte. Roman, opéra, pochette d’album, BD… Les incursions dans le monde onirique du Bruxellois sont légion. Ici c’est une petite ville, Pandore, qu’on dirait tout droit sortie de L’empire des lumières (Coco Givrée de Nadine Monfils), là une fenêtre accrochée aux nuages (l’opéra Stradella fraîchement repeint par Jaco Van Dormael), là encore une mise en abyme d’un personnage sans visage portant un chapeau melon (la pochette du nouvel album de Montevideo), là enfin une version du personnage de BD Jérôme Moucherot en Fils de l’homme, le stylo remplaçant la pomme (une peinture imaginée par François Boucq, notre invité surprise de la semaine, pour une expo au Musée… Dali à Paris). Sans parler des Magritte du cinéma.

Souvent explicites, les références à cet arpenteur infatigable de l’inconscient qu’est Magritte imbibent le tissu culturel. Est-ce une manière de fuir la raison, ce phare de la postmodernité devenu aveuglant? Une échappatoire à ce présent sinistré et privé de rêves? Dans le livre qu’il consacre à cette veine esthétique filandreuse, Xavier Canonne, patron du Musée de la photographie de Charleroi, rappelle que la flamme du surréalisme ne s’est jamais vraiment éteinte sous nos cieux pleureurs, entretenue notamment par des revues de contrebande. Il faut dire qu’avec nos politiques, nos querelles de pacotille, l’absurde n’est jamais loin chez nous!

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