Philippe Cornet

Bertrand Cantat le maudit

Philippe Cornet Journaliste musique

Après 4 ans de prison pour le meurtre de Marie Trintignant, Bertrand Cantat n’a peut-être pas vécu le plus dur, surtout quand une appartion publique lui fait croiser le chemin du père de sa victime…

La chronique de Philippe Cornet

« Il a été incapable d’assumer quoi que ce soit après le drame, la mort de Marie en juillet 2003. Et aujourd’hui (…) -je vais dire une chose terrible- il s’est conduit comme une merde et il est l’homme que je déteste le plus au monde. » Début avril, Jean-Louis Trintignant exprime son sentiment vis-à-vis de l’ex-Noir Désir, pressenti pour se produire au même festival d’Avignon que lui, à l’été 2011. Pour Trintignant père, il est inconcevable de partager -même de très loin- l’espace physique du meurtrier de sa fille. Cantat décommande sa participation avignonnaise « par respect pour la douleur de Jean-Louis Trintignant »: il devait jouer dans Des femmes (…), adaptation d’une pièce de Sophocle, il se contentera d’en assumer la B.O. musicale. Comme s’il n’y avait qu’un seul délit possible -celui de sale gueule- et qu’une unique posture restante: l’invisibilité en public. Pour un type qui a passé une quinzaine d’années à incarner fortement le rock fiévreux de Noir Désir, s’agit-il bien d’une double peine? Le terme est employé par le directeur du Théâtre de Namur confirmant la venue de Cantat dans la capitale wallonne en janvier 2012, toujours en version théâtrale sophocléenne. La date de représentation approchant, on peut parier que les protestations s’enclencheront.

Quadruple peine

Eût-il liquidé un dealer, un rival amoureux, un fan collant, un présentateur de TF1, la désastreuse impression n’eût pas été la même. Comme le meurtre d’une serveuse par Phil Spector -en taule pour 19 ans-, celui de Cantat est imprégné de la honte supplémentaire qui désigne les tueurs de femmes. On ne jugera pas les circonstances qui suggèrent l’accident létal -le tribunal de Vilnius l’a fait-, mais l’horreur publique s’est d’autant plus amplifiée que Cantat première vie incarna une éthique rock, des engagements civiques, un grain d’indépendance face au succès dévorant, Des visages des figures. Il a toujours ses partisans, comme ceux qui, en octobre dernier, l’ont applaudi lors d’une apparition à un concert d’Eiffel, à côté de Bordeaux, là où tout avait commencé. Mais combien s’intéressaient vraiment à la musique sans scruter une potentielle défaillance du protagoniste de l’infamante soirée lituanienne? Le 10 janvier 2010, alors que Cantat était présent dans son appartement bordelais, Krisztina Rady, son ex-femme et mère de ses 2 enfants, se suicide. Fin novembre 2010, Noir Désir implose suite au départ du guitariste Serge Teyssot-Gay quittant le groupe « pour désaccords émotionnels, humains et musicaux avec Bertrand Cantat ». Double peine? Non, triple, quadruple, et pas sûr que la série noire soit terminée. Mais que devrait alors faire Cantat pour préserver sa dignité et celle des autres sans disparaître intégralement? On n’en a absolument aucune idée. Visiblement, lui non plus. Même s’il est sur le point de créer un nouveau groupe avec le bassiste Pascal Humbert.

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