Tye Sheridan: « Je suis obsédé par la VR, la réalité augmentée et l’intelligence artificielle »

© Mondadori Portfolio via Getty Im
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Révélé en 2011 par The Tree of Life, de Terrence Malick, l’acteur texan s’est affirmé comme l’une des valeurs montantes du cinéma américain. Confirmation avec Ready Player One, de Steven Spielberg, et une double présence sur les écrans vénitiens: dans The Mountain, de Rick Alverson, et en VR.

Tye Sheridan, on l’a d’abord remarqué entre Jessica Chastain et Brad Pitt dans The Tree of Life, le film qui, en 2011, allait valoir la Palme d’or à Terrence Malick. L’on a connu pire comme débuts, et le gamin -il n’avait pas quinze ans à l’époque- devait confirmer dans la foulée avec l’impeccable Mud, de Jeff Nichols, où il avait pour partenaire Matthew McConaughey, bientôt suivi de Joe, de David Gordon Green, face à un Nicolas Cage qui trouvait là l’un de ses derniers rôles acceptables, prestation couronnée du prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir à la Mostra 2013 . De quoi asseoir sa réputation naissante, mais aussi entériner son ancrage texan, Sheridan étant originaire de Elkhart, au coeur du Lone Star State. Non sans lui ouvrir bientôt bien grandes les portes de Hollywood, si bien qu’on a pu le voir depuis dans la comédie d’horreur Scouts Guide to the Zombie Apocalypse comme dans la saga des X-Men (dans le rôle de Cyclope), mais aussi devant la caméra de Steven Spielberg pour Ready Player One.Sans pour autant qu’il se soit détourné de ses racines « indie », son actualité du moment n’étant autre que The Mountain, film étrange de Rick Alverson a présenté en compétition à Venise, où il donne la réplique à Jeff Goldblum et… Denis Lavant.

En dépit de sa précocité, Sheridan ne se destinait pas au métier d’acteur. « J’ai toujours été plutôt intéressé par le storytelling, explique-t-il. Et si j’ai été impliqué dans le cinéma dès l’âge de onze ans (le tournage de Tree of Life s’est déroulé en 2008, NDLR) je n’avais pas, jusqu’alors, envisagé une carrière d’acteur. Je n’avais jamais participé à des castings libres. Mais, pour The Tree of Life, le directeur de casting s’est rendu dans ma petite école publique du Texas et m’a invité à participer à une audition. Comme je n’avais rien de prévu ce jour-là, je m’y suis rendu, et me voilà aujourd’hui à Venise. Ma première passion reste toutefois le storytelling: quand j’étais petit, mon grand-père tenait un magasin de peinture, où j’aimais me rendre chaque jour. Il avait un énorme rayon de fournitures de bureau, et je pouvais y prendre un bloc-notes et un crayon. Il me disait: « Si tu arrives à le remplir, je te donnerai un dollar ». Et du coup, je le noircissais d’une série d’histoires que je racontais ensuite à ma famille. Avec les films, j’aime l’idée de pouvoir toucher des gens et les connecter entre eux avec un message venu du coeur de l’auteur… »

Bousculer les habitudes

D’où, parfois, son engagement dans des projets en apparence hasardeux, comme The Mountain donc, plongée stylisée dans l’Amérique des fifties, où il accompagne un médecin adepte de la lobotomie dans sa tournée des hôpitaux psychiatriques. Sheridan y apparaît massif et passif, muet également, signant là ce qui est peut-être sa plus étonnante performance d’acteur à ce jour -« le tout consistait à ne pas compromettre la connexion entre le personnage et le spectateur« , commente-t-il sobrement. L’essentiel, de toute façon, ne se trouvait pas là à ses yeux: « Rick Alverson et moi avions déjà collaboré sur Entertainment, rappelle-t-il. J’apprécie par-dessus tout son courage et sa façon d’oser des choses non conventionnelles et provocantes. Ses films vous détournent de votre expérience classique de spectateur et vous obligent à réfléchir. Il ne s’agit pas de faire une oeuvre incompréhensible, mais de proposer une expérience déstabilisante, invitant le public à s’interroger sur son existence et les standards qui la façonnent. Tant par le format 4:3, que par le mode de narration adopté ou le contexte dans lequel il se situe, l’intention, avec ce film, est de bousculer les habitudes du spectateur. » Une réussite relative cependant, The Mountain flirtant plus que de raison avec l’abscons, mais illustrant une volonté de s’aventurer loin des sentiers battus. Ainsi encore tout récemment avec Ready Player One, de Steven Spielberg, un film estampillé blockbuster, certes, mais pas moins audacieux pour autant, qui navigue entre deux univers, réel et virtuel. « Une super expérience« , commente le comédien qui a trouvé là son premier leading rôle dans une production d’un tel calibre.

De quoi aussi, incidemment, faire la jonction avec une autre de ses marottes, la réalité virtuelle, dans laquelle Sheridan s’est investi sans compter, créant sa propre société de production de contenus il y a quatre ans déjà, et apportant son concours aux projets de tiers. Ainsi, aujourd’hui, de Crow: The Legend, court métrage d’Eric Darnell (le réalisateur de la série des Madagascar) présenté dans la large section VR de la Mostra. « Je suis obsédé par la VR, la réalité augmentée et l’intelligence artificielle, dans la mesure où ces outils peuvent nous aider à progresser, conclut-il. Je m’intéresse à la façon dont l’on pourra intégrer ces avancées dans notre société, moins sous forme de divertissement qu’en tant qu’outils ayant un impact sur notre vie quotidienne. Et puis, ça rejoint ma passion pour le storytelling: j’aspire à explorer d’autres voies narratives et d’autres moyens de toucher les gens. Que ce soit avec la VR, en tant qu’acteur, producteur, voire comme réalisateur, je veux continuer à véhiculer la passion entre les individus. » Ou comment encore, à l’image du film de Steven Spielberg, se situer entre deux mondes: les pieds bien ancrés dans le présent, mais le regard résolument tourné vers le futur…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content