Critique

The King’s Speech

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FILM HISTORIQUE | Dans Le Discours d’un Roi, Tom Hooper porte un regard neuf sur la maison de Windsor, transcendant les canons du film d’époque pour raconter l’histoire de George VI, ce roi bègue que Colin Firth incarne à la perfection.

La monarchie britannique ne fait pas seulement le miel de la presse tabloïd, elle a aussi généré une production cinématographique abondante, répondant à des codes et attendus spécifiques. A l’instar de The Queen de Stephen Frears, The King’s Speech de Tom Hooper vient toutefois joliment dépoussiérer ceux-là, embrassant avec une exemplaire finesse un sujet royal autant qu’inédit.

La scène d’ouverture du film suffit à en prendre la mesure singulière: dans un stade de Wembley bondé, le duc de York, fils du roi George V, est invité à prononcer le discours de clôture de l’exposition impériale de 1925. Plus qu’un prince, c’est un condamné à mort s’avançant vers l’échafaud que l’on découvre en la personne de « Bertie » (Colin Firth), comme le surnommaient ses proches. Et pour cause, le bégaiement dont il souffre depuis l’enfance fait de l’exercice un cauchemar silencieux, que la radio amplifie de par le monde. L’homme n’est, à l’évidence, guère taillé pour un destin royal auquel il n’aspire d’ailleurs pas; les circonstances vont toutefois lui forcer la main quelques années plus tard, en 1936, lorsque son frère Edouard VIII (Guy Pearce), qui avait succédé à leur père, est contraint d’abdiquer.

Appelé à régner sous le nom de George VI, Bertie a commencé entre-temps, sur l’insistance de son épouse (Helena Bonham-Carter), et quelque peu en désespoir de cause à vrai dire, à consulter un thérapeute du langage. Australien, Lionel Logue (Geoffrey Rush) s’appuie sur des méthodes aussi peu orthodoxes que son background d’autodidacte doublé d’un aspirant acteur shakespearien. Soit un équipage insolite, si pas improbable, parti à l’assaut d’un handicap présumé insurmontable.

La juste distance

Leur relation, et l’histoire de leur amitié, n’est pas seulement le coeur de The King’s Speech, elle procure à Tom Hooper la juste distance par rapport à son sujet, affranchissant le drame historique d’un carcan par trop solennel. La force du film tient notamment, en effet, à sa capacité à éviter la reconstitution empesée, pour embrasser la grande Histoire par le biais d’une histoire intime fascinante autant que méconnue. Et brasser, ce faisant, les sentiments et les émotions les plus divers, glissant, tout en fluidité et naturel, d’accents dramatiques en d’autres, savoureux et humoristiques, sans perdre de vue pour autant son enjeu affiché.

C’est là un travail d’équilibriste, conduit de maîtresse façon par un réalisateur dont la mise en scène, discrètement inspirée et d’une belle vigueur, constitue l’écrin subtilement ciselé d’un scénario à l’intelligence aiguisée. S’y ajoute, cerise sur le gâteau, une interprétation 24 carats dans le chef de Geoffrey Rush ou Helena Bonham-Carter, et tout simplement… royale dans celui de Colin Firth, venu donner à ce drame historique une coloration définitivement humaine. Soit, culminant dans un final bouleversant, un film déjouant magistralement les pièges conduisant du classicisme à l’académisme pour porter sur l’histoire un regard fidèle mais néanmoins aiguisé.

The King’s Speech, film historique de Tom Hooper, avec Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham-Carter. 1h50.

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Jean-François Pluijgers

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