Sur le tournage des « Géants », avec Bouli Lanners

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Bouli Lanners vient d’achever le tournage d’un film couleur d’adolescence, intitulé « Les Géants ». Avec trois jeunes acteurs qui promettent… Visite en plein tournage.

Bouli avait demandé à sa maman de dire des neuvaines pour qu’une météo pourrie lui laisse quelque répit. Mais la pluie n’en était pas moins au rendez-vous à Méan, au début du tournage, puis à Elsenborn, sur la fin. Nos deux visites sur le plateau des Géants virent des éléments capricieux bouleverser tous les plans. A charge pour le réalisateur de démontrer une de ses qualités majeures: l’aptitude à changer pour le mieux, à trouver des solutions créatives, à faire de chaque obstacle, de chaque complication, une opportunité de rebondir et de resserrer le travail, avec une équipe complice dont l’apport et la solidarité furent peu banals.

Troisième long métrage de Bouli Lanners après les remarquables Ultranova et Eldorado, Les Géants s’annonce comme une manière de « road movie » doublé d’un film d’apprentissage. Ses héros sont trois jeunes garçons: deux frères de milieu bourgeois livrés à eux-mêmes et un gamin un peu plus âgé qu’eux, d’origine plus populaire mais non moins enclin à prendre la tangente pour aller voir ailleurs si la vie est plus belle, plus excitante en tout cas. Pour incarner ces adolescents, Bouli a fait appel à deux Français et un Belge. Martin Nissen (originaire de Herve) sera Seth, Zacharie Chasseriaud son frangin Zak, le personnage de Danny étant joué par… Paul Bartel. L’adolescent ignorait avoir un homonyme célèbre en la personne du défunt complice de Roger Corman, réalisateur du film culte Eating Raoul et du populaire Death Race 2000!

A Méan, en ce matin frisquet, nos trois lascars ne sont pas trop rassurés. Car ils vont devoir affronter un chien supposément très méchant… Le petit bourg, voisin de Havelange et pas trop loin de Durbuy, a pour principal titre de gloire d’organiser un festival de rock « metal » réputé. Pour quelques jours, il accueille Bouli Lanners et sa joyeuse équipe. Le décor, naturel, est celui d’un chenil, doublé d’un club de motards. Le réalisateur a d’ailleurs acheté une Honda de 1978 que vendait le président. « J’ai senti que ça lui ferait plaisir », sourit un Bouli déjà bien dans son tournage, alors que les premiers jours ont vu leur plan de travail bouleversé par une météo instable…

C’est ainsi qu’il a dû avancer le filmage d’une scène où les jeunes héros pénètrent dans une propriété que garde un molosse. Du coup, le dresseur professionnel français et ses chiens rompus aux choses du cinéma, réservés pour le lendemain et dans l’impossibilité d’avancer leur voyage, n’étaient pas au rendez-vous. Le berger allemand du propriétaire du chenil (un imposant barbu tatoué) allait devoir faire l’affaire. Pas évident pour un animal de nature apparemment pacifique, mais qui finira par montrer les crocs lorsqu’un assistant courageux s’emploiera à le provoquer en jouant la menace! La chaîne et le mousqueton empêchant le chien d’atteindre les ados qui passent se révélera enfin très utile, l’assistant caché hors-champ derrière eux suscitant désormais, à chaque prise, des assauts canins du plus bel effet…

Lanners est satisfait. L’écran du combo lui révèle une prise très utilisable. L’image est belle, le format large offre une perspective séduisante. Le cinémascope, utilisé dans les grands westerns de Sergio Leone et les films épiques de David Lean, permettra de saisir mieux encore la dimension mythique dont le réalisateur veut colorer un « road movie » par ailleurs réaliste. « Ouais, mais quand je pense que je vais devoir filmer un géant de 2m30 en scope… C’est un challenge complètement ridicule! », bougonne un Bouli dont le sens de la dérision vient détendre l’atmosphère chaque fois qu’il en est besoin, et sans rien enlever à son enthousiasme communicatif.

Carcasses

Quelques semaines ont passé, le tournage est presque fini quand nous retrouvons Les Géants dans le camp militaire d’Elsenborn, où se filment, après une période de travail au Luxembourg, quelques scènes importantes. Un décor authentique de carcasses de blindés offre, à la tombée du jour, un cadre mémorable aux rapports complices de Paul, Zacharie et Martin. « Ce qui est génial avec lui, c’est qu’on ne sait jamais ce qu’il va faire! Et puis qu’il nous écoute, et accepte nos suggestions », déclarent ses jeunes interprètes en parlant d’un Bouli Lanners « imprévisible ».

En anorak brun, la barbe de moins en moins poivre et de plus en plus sel, l’acteur devenu réalisateur pointe du doigt une partie des bâtiments du camp, promis à une proche démolition. « La moitié des décors qu’on verra dans Les Géants disparaîtra d’ici la sortie du film, explique-t-il, c’était déjà la même chose avec mes deux films précédents, comme si je choisissais, sans le savoir au départ, des lieux en voie de disparition, pour en laisser le témoignage sur pellicule… »

Résolument fictionnel, le cinéma de Lanners a cette vertu quasi documentaire, que le cinéaste reconnaît en affirmant aimer « puiser dans une réalité qui sera toujours plus forte que ce qu’on a pu imaginer ».

Le soleil s’est couché sur Elsenborn. Dans une prairie chichement éclairée, on tourne les contrechamps d’une scène entamée… au bord d’une rivière luxembourgeoise. Sur le plateau, malgré l’heure tardive et la froideur qui s’installe, l’équipe fait montre d’une concentration extrême. D’ici le mois de mars ou d’avril, au terme de la postproduction, Les Géants s’en iront vivre leur vie sur les écrans du monde. En commençant peut-être par celui du Festival de Cannes. Mais sa présence ou non sur la Croisette ne sera pas le plus important pour une oeuvre dirigée non pas vers les étoiles, mais vers le coeur des gens.

Louis Danvers

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