Soleil féroce et grinçant en ouverture de la Quinzaine cannoise

Un beau soleil intérieur de Claire Denis © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Co-écrit avec Christine Angot, incarné par Juliette Binoche, le mordant Un beau soleil intérieur de Claire Denis fait l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs ce jeudi.

« J’ai envie d’avoir un amour, moi. Un vrai amour. » À l’écran, Isabelle (Juliette Binoche, idéalement déboussolée), artiste peintre fraîchement divorcée en quête éperdue du grand frisson, enchaîne les amants à moitié désirables, voire même franchement détestables (Xavier Beauvois, Nicolas Duvauchelle). La suite, petit théâtre malade des rapports amoureux, est un chapelet de rendez-vous manqués, de pathétiques incompréhensions et de valses-hésitations où l’on passe littéralement son temps à se demander comment ça va, comme pour faire écran avec le néant absolu de l’existence qui se joue tout autour: ici, semble pointer le film, il n’y a rien à dire, et encore moins à vivre. Car s’il se montre extrêmement bavard, c’est pour mieux souligner l’irrésoluble incommunicabilité dans laquelle baignent ses personnages grotesques, à la dérive, bouffis de vide. « Je suis fatiguée« , ne cesse encore de répéter Isabelle.

Annoncé comme une simple récréation, un apéricube light, avant le beaucoup plus ambitieux High Life, thriller de science-fiction anglo-saxon construit autour de Robert Pattinson que Claire Denis pourrait déjà sortir l’an prochain, Un beau soleil intérieur devait être une comédie badine, limite inconséquente, sur la confusion des sentiments, façon éphémérides du coeur chez les nantis de Paname. Tout faux. Co-scénarisé avec la romancière Christine Angot, lointainement inspiré des fameux Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, le nouveau film de la réalisatrice de J’ai pas sommeil et Beau Travail, où l’on pointe encore la présence de Josiane Balasko en galeriste, le numéro d’anthologie du chanteur Katerine ou un caméo de Bertrand Burgalat, est un ovni cinématographique d’abord légèrement déroutant, puis totalement passionnant.

Sur la Croisette, d’aucuns parlent déjà d’une caricature de film d’auteur à la française. Grossière méprise, là encore: Un beau soleil intérieur brocarde joyeusement les affres existentielles de la bourgeoisie parisienne, dézingue la violence symbolique et la médiocrité de la classe friquée-cultivée de la capitale et présente la Ville Lumière en désolant supermarché à ciel ouvert du sentiment sous vide. Jusqu’à ce sommet d’absurde en apothéose emmené par un Gérard Depardieu à pleurer. Un cruel -donc jubilatoire- jeu de massacre.

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