Quentin Reynaud: « J’avais le sentiment qu’aucun film n’avait traduit la difficulté psychologique et physique du tennis »

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Cinq ans après Paris-Willouby, cosigné avec Arthur Delaire, Quentin Reynaud s’invite sur les courts de Roland-Garros le temps d’un 5ème set retraçant le combat d’un tennisman sur le retour. Entretien.

Les 120e internationaux de France auront à peine rendu leur verdict que débarquera sur les écrans 5ème set (lire notre critique), le premier long métrage jamais tourné dans les allées de Roland- Garros. Quentin Reynaud y met en scène le combat de Thomas Edison, tennisman naviguant dans les profondeurs du classement ATP, et retrouvant, 17 ans après avoir atteint les demi-finales du tournoi, le théâtre de ses éphémères exploits, pour un baroud d’honneur. Ce projet, le cinéaste bordelais le porte depuis une dizaine d’années déjà: « Je suis joueur de tennis, je le pratique depuis que je suis tout petit, j’ai donc une bonne connaissance de ce sport, de la mythologie tennistique, des anciens joueurs, de son histoire, et j’avais le sentiment qu’aucun film au cinéma n’avait traduit la difficulté psychologique et physique de cette discipline. Dans les films sur le tennis déjà tournés, il sert plutôt de toile de fond: Battle of the Sexes est plus un film sur Billie Jean King et l’émancipation, Borg McEnroe parle plus de l’affrontement de deux personnages qui ont réussi avec des personnalités très fortes, et le film de Woody Allen, Match Point, ne porte pas vraiment sur le tennis. Mon idée était de me situer au plus proche de ce qui constitue la réalité et la difficulté d’être un joueur de tennis, discipline considérée comme la plus dure après les sports de combat. »

Quentin Reynaud (à gauche):
Quentin Reynaud (à gauche): « Alex Lutz a apporté au personnage un petit côté à la Buster Keaton, avec une sorte de nostalgie dans le regard. Et je savais qu’il aurait un investissement total dans le rôle. »

Une apologie du temps long

À l’inverse de ces derniers, objets d’un intérêt soutenu du 7e art, le tennis n’a d’ailleurs guère retenu l’attention des cinéastes, même s’il y eut bien Hard, Fast and Beautiful!, d’Ida Lupino, ou, plus près de nous, Terre battue, de Stéphane Demoustier. Et qu’il arriva que des réalisateurs montent au filet le temps d’une scène, comme Alfred Hitchcock dans Strangers on a Train, Jacques Tati pour Les Vacances de Monsieur Hulot ou Wes Anderson avec The Royal Tenenbaums. Une présence restée malgré tout fort marginale, à quoi Reynaud avance une explication: « Le tennis n’est pas du tout cinématographique. C’est très télévisuel, mais le gros problème du tennis, d’un point de vue cinéma, c’est que les deux joueurs ne peuvent pas être dans le même plan. En boxe, les deux adversaires sont proches, dans le même plan, on a les visages, la transpiration, ils se tapent sur la gueule, tout va bien. Le tennis, ils sont à 30 mètres l’un de l’autre, ils se mettent des patates mais ils ne peuvent pas se toucher, c’est horrible. » Un écueil que le réalisateur a essayé de contourner en veillant à rendre le jeu plus agressif, et en restant, pendant les matchs qui rythment le récit, très proche des personnages. « Je les cadre de très près, je les suis à l’épaule, et par le jeu de coupe, je les rapproche. Le chef-opérateur était équipé de protections latérales, et quand les joueurs frappaient dans les plans de face, il prenait des coups de raquette… »

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Particularité de 5ème set, le film accompagne un quasi-anonyme du circuit, dont il dépeint le quotidien avec son lot de galères, une réalité qu’il entreprend de dépeindre avec un luxe de vérité. « C’était capital, approuve Quentin Reynaud. Pour pouvoir faire un vrai film de cinéma sur cette base-là, je devais être irréprochable dans le détail, ne rien laisser passer. Je ne voulais pas que l’on puisse questionner ne serait-ce qu’une seconde la véracité et la précision des gestes et de ce qui se passe dans ce milieu-là. C’est quand on est dans une sorte de zoom microscopique dans une discipline que ça devient universel. Être précis et crédible à l’extrême le permet. » Au-delà de sa dramaturgie sportive, et du portrait d’un homme que sa discipline n’a pas épargné, à qui Alex Lutz apporte un mélange d’énergie de la dernière chance et de mélancolie, on verra encore dans le film comme une apologie du temps long. Sentiment culminant, bien sûr, dans cette ultime manche qui lui donne son titre en même temps qu’elle le ponctue: « L’une des particularités du tennis, et c’est aussi ce qui en fait la beauté, c’est que c’est long. Il y a pour le moment des luttes en interne pour changer les règles. On est dans une société de l’immédiateté, et on n’a plus l’habitude de rester assis à regarder un spectacle pendant quatre ou cinq heures. Il est urgent, pour moi, de réapprendre à perdre du temps, à accepter que le temps qui passe n’est pas un temps perdu, mais qu’il offre une nouvelle expérience. Le tennis, c’est exactement cela: le cinquième set, c’est accepter de passer du temps avec ces joueurs pour en garder des souvenirs. »

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