Mort de Jacques Rivette, artisan inspiré du cinéma français

Jacques Rivette, ici à Cannes en 2001. © AFP/Jack Guez
FocusVif.be Rédaction en ligne

Artisan inspiré du cinéma français, figure de la Nouvelle Vague, Jacques Rivette, décédé vendredi à 87 ans, était le réalisateur plein de rigueur de La Religieuse – un temps interdit -, Céline et Julie vont en bateau, ou La Belle noiseuse.

Homme discret, voire secret, érudit, d’une immense mémoire, Jacques Rivette était un cinéaste influent mais qui se tenait artistiquement en marge, souvent ignoré par le grand public.

Longtemps réalisateur confidentiel, il avait fait l’actualité en 2015 avec la sortie en salles et en DVD, en France, de son film fleuve Out 1, d’une durée de 12h30 minutes, réalisé en 1971. Il n’avait jamais été exploité en salles dans cette version. Considéré par la critique et une partie de la profession comme un événement majeur, ce film est une adaptation fort libre d’Histoire des Treize, un roman de Balzac. Le film doit donc durer 13 heures avait dit en substance Rivette, mi-blagueur, mi-sérieux. Au générique, on trouvait les acteurs de la Nouvelle Vague comme Jean-Pierre Léaud, Michael Lonsdale, Bernadette Lafont et surtout Bulle Ogier, sa muse.

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Pour lui, les films pouvaient être expérimentaux. Il n’hésitait pas à bousculer des codes en vigueur, à tourner des films très longs pour imposer un rythme lent, laissant au spectateur une certaine liberté pour découvrir les personnages. « On ne peut pas passer à travers les films de Rivette sans en être changé. Dans ces organismes vivants, on fait sa propre vie, deux, trois, quatre heures durant », a résumé un critique.

Avec les acteurs, ce passionné de théâtre, travaillant souvent sur des histoires de complot, adorant filmer la déambulation de gens dans les rues de la capitale, utilisait une méthode qu’il avait longtemps conservée : pas de scénario, mais un canevas d’une quinzaine de pages, donné la veille ou parfois le jour du tournage, à partir duquel les comédiens prennent possession de leur personnage. « Il nous donne la possibilité d’être aussi auteurs », a dit le comédien Sergio Castellito.

La Religieuse censurée

Fils de pharmacien, il nait à Rouen le 1er mars 1928. En 1949, il s’inscrit à la Sorbonne mais fréquente davantage le ciné-club du Quartier latin que les amphis. En 1950, il fonde La Gazette du cinéma avec Eric Rohmer. Critique dans la revue des Cahiers du cinéma, il en est le rédacteur en chef de 1963 à 1965. Assistant de Jacques Becker et de Jean Renoir, il réalise en 1958 son premier long métrage, Paris nous appartient.

Son second long-métrage est La Religieuse, réalisé d’après le roman de Diderot. Anna Karina y interprète Suzanne, une jeune fille mise de force dans un couvent mais qui refuse de prononcer ses voeux. Il devient célèbre à cause de l’interdiction (qui ferait sourire aujourd’hui) « pour ne pas heurter gravement les sentiments et les consciences d’une très large partie de la population ». La censure du film est levée en 1967, un an après sa sortie, mais il reste interdit aux moins de 18 ans.

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Avec L’Amour fou (1968) et, donc, Out 1, il approfondit ses recherches sur l’improvisation et le mélange entre fiction et documentaire. Avec Céline et Julie vont en bateau, il touche au fantastique mais revient à un certain réalisme dans Le Pont du Nord.

Emmanuelle Béart pose pour La Belle noiseuse en 1991 avec Michel Piccoli, et Sandrine Bonnaire est Jeanne d’Arc dans un film en deux épisodes Jeanne la Pucelle. En 2000, Jacques Rivette réalise Va savoir, une comédie librement inspirée du Carrosse d’or de Jean Renoir, cinéaste auquel il avait consacré en 1966 un documentaire.

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Jacques Rivette est fidèle à ses comédiens, puisqu’il refait tourner Sandrine Bonnaire et Emmanuelle Béart, la première dans Secret Défense (1997), la seconde dans Histoire de Marie et Julien (2003), deux films qui voient le cinéaste renouer avec sa veine sombre. Son dernier film, en 2009, était 36 vues du pic Saint-Loup.

Hommages

Le chef de l’Etat François Hollande a salué « l’un des plus grands cinéastes » dont l’« oeuvre hors normes lui a valu une reconnaissance internationale », tandis que la ministre de la Culture Fleur Pellerin a estimé qu’il s’agissait de la disparition de « l’un des plus grands cinéastes de l’intime et de l’impatience amoureuse ».

Il était « l’un des plus lucides, les plus inventifs, les plus libres de la Nouvelle Vague », a souligné l’ancien critique et ex-président du Festival international de Cannes Gilles Jacob.

« Le cinéma français perd un de ses réalisateurs les plus libres et les plus inventifs », a renchéri l’actrice Anna Karina, qui avait joué avec lui dans Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot et dans Haut, bas, fragile.

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