Critique

[Le film de la semaine] Le Fils de Jean, de Philippe Lioret

Pierre Deladonchamps dans Le Fils de Jean, de Philippe Lioret. © Sébastien Raymond
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Entre France et Canada, une quête émouvante, narrée avec un réalisme prenant, aux confins du mélodrame.

Mathieu n’a jamais su qui était son père. Aimante mais préférant éviter le sujet, sa mère lui avait simplement dit qu’il était le fruit d’une brève rencontre, seulement sexuelle et sans implication. L’enfant d’une nuit, d’une étreinte, d’une fois… À 33 ans, il a accepté cette version des choses, toute frustrante qu’elle puisse être. Et sa mère décédée, il est lui-même devenu père, une réalité forte que même une séparation d’avec sa compagne ne l’empêche pas d’assumer avec amour, dévouement. Son jeune fils va disputer une compétition sportive et compte sur lui pour y assister. Mais Mathieu vient de recevoir une nouvelle, aussi secouante qu’inattendue: son père biologique vient de mourir, au Canada, lui laissant un colis. Il apprend aussi qu’il a deux demi-frères… Partir pour Montréal, rencontrer ces deux hommes qui ignorent son existence devient pour Mathieu un besoin, une évidence. Son fils sera triste de ne pas le voir au bord du tatami pour son tournoi de judo, mais tenter d’enfin éclaircir le mystère de ses origines est désormais sa priorité. Ainsi commence le nouveau film de Philippe Lioret, ce cinéaste français qui travaille le réel, le matériau humain, avec une force rare, une puissance tranquille dont Mademoiselle, L’Équipier, Je vais bien, ne t’en fais pas et Welcome furent autant d’expressions intenses.

Mélo-réalisme

Le Fils de Jean s’inscrit dans la droite ligne de cette approche assez frontale de l’intime et des rapports entre les êtres. De ce qui arrive outre-Atlantique, une fois Mathieu accueilli par le meilleur ami de Jean (son père), nous ne dévoilerons rien ici. Sachez seulement que le brouillard des origines de Mathieu, en se dissipant, fera apparaître quelques bouleversantes surprises… Devant la caméra, le jeune Pierre Deladonchamps, apprécié dans Une enfance et surtout L’Inconnu du lac, allie sa justesse de jeu à celle du vétéran québécois Gabriel Arcand (Le Déclin de l’empire américain). Philippe Lioret, comme à son habitude, travaille à placer les personnages au tout premier plan, avec une évidence organique, physique, jusqu’à faire oublier une mise en scène pourtant remarquable dans sa simplicité. Bien dans son époque, filmant au présent, il n’en poursuit pas moins certaines lignes du cinéma français classique, des années 30 et 40 particulièrement. Une fois de plus, on songe à celui dont il est sans doute l’héritier lointain: Jean Grémillon. Un maître du réalisme subtilement poétisé mais jamais précieux qui signa quelques oeuvres magnifiques telles Remorques (à laquelle renvoie L’Équipier), Lumière d’été, Pattes blanches et ce mélodrame sublime qu’est Gueule d’amour (1937). En osant dans Le Fils de Jean la fusion du réalisme scrupuleux et du « mélo » dans ce qu’il a de plus pur, Philippe Lioret assume plus que jamais, et de très belle manière, son lien à cet aîné aujourd’hui injustement oublié, qui serait comme son père de cinéma…

DE PHILIPPE LIORET. AVEC PIERRE DELADONCHAMPS, GABRIEL ARCAND, CATHERINE DE LÉAN. 1H38. SORTIE: 31/08. ****

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