L’Amérique dans tous ses états: cinq coups de coeur du dernier festival de Deauville

Knives and Skin
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Entre révélation des grands noms de demain et débarquement de stars, le Festival du cinéma américain de Deauville a fêté sa 45e édition en fanfare. Bilan cinéphile en cinq instantanés coups de coeur.

Découvert en mai dernier dans la section Un Certain Regard du festival de Cannes, Bull d’Annie Silverstein, drame rural faisant les portraits croisés d’une ado white trash texane et de son voisin afro-américain dans le milieu du rodéo, a conquis le jury deauvillais présidé cette année par Catherine Deneuve, mais aussi celui de la Révélation et celui de la Critique. Une triple consécration qu’il est permis de trouver un tantinet excessive, tant il est vrai que la très jeune et indé Compétition du festival a réservé son lot de propositions autrement plus abouties et aventureuses. Entre espoirs, découvertes, avant-premières de prestige et invités glamourisés (Kristen Stewart, Johnny Depp, Geena Davis…), la 45e édition de l’événement normand a rempli son cahier des charges aux accents d’empowerment féminin prononcés. Retour en cinq temps forts, toutes sections confondues.

Knives and Skin

De Jennifer Reeder

Jennifer Reeder: retenez bien ce nom. Avec Knives and Skin, cette jeune réalisatrice goth-punk originaire de l’Ohio signe un véritable tour de force à la mélancolie pailletée d’une sidérante maîtrise formelle. Drame surréel noyauté autour d’une majorette évaporée, le film dit tout de l’adolescence par le biais de personnages constamment menacés de disparition, ou à tout le moins d’invisibilité. Entre Twin Peaks et Donnie Darko, avec une pointe de John Waters et un esprit girl power inspiré comme jamais: une oeuvre en apesanteur. LA découverte de ce festival, mais aussi le grand oublié de son palmarès.

Swallow
Swallow

Swallow

De Carlo Mirabella-Davis

Connaissez-vous le pica, trouble du comportement alimentaire caractérisé par l’ingestion de substances non comestibles? Dans Swallow, récit d’angoisse domestique à l’implacable mécanique de dérèglement, une femme au foyer friquée à l’impassible visage de cire trompe le vide et l’ennui en avalant les objets à sa disposition: épingle, bille, pierre, rembourrage de matelas… Si le film ne tient peut-être pas tout à fait ses promesses sur la distance -ce final étrangement surexplicatif-, il impressionne durablement par la capacité qu’a sa mise en scène à suspendre le temps. Prix spécial de ce 45e festival.

Skin
Skin

Skin

De Guy Nattiv

Réalisateur d’origine israélienne oscarisé pour son court métrage du même nom, Guy Nattiv s’inspire d’une histoire vraie pour mettre en scène ce cru, intense et frontal récit de rédemption qui rappelle souvent le American History X de Tony Kaye, en beaucoup moins gnangnan-esthétisant. En fanatique hardcore membre d’un gang de néo-nazis à la virilité tatouée sur la peau, Jamie Bell, singulièrement investi, domine de la tête et des épaules un casting d’exception où excellent également Danielle Macdonald (Patti Cake$) et une Vera Farmiga méconnaissable. Sortie belge en DVD/Blu-ray le 2 octobre prochain.

American Woman
American Woman

American Woman

De Jake Scott

Temps fort de la volée de grandes premières proposées hors compétition, cette odyssée intime et douloureuse prenant pour cadre une petite communauté très corsetée de l’Amérique profonde s’inscrit dans la lignée tragique d’un Manchester by the Sea. Derrière la caméra, Jake Scott, fils d’un certain Ridley, capte avec une justesse inouïe chacun des infinis détails qui composent cet admirable portrait de femme blessée n’en finissant pas de se relever. Quant à Sienna Miller, sublime, elle mérite tous les Oscars du monde pour sa prestation de mère libre et sans tabous confrontée à la violence nue de l’existence.

Memory: The Origins of Alien
Memory: The Origins of Alien

Memory: The Origins of Alien

D’Alexandre O. Philippe

Très bonne pioche dans la section « Les Docs de l’Oncle Sam » du festival, ce documentaire savant mais toujours accessible célèbre les 40 ans du premier Alien en remontant aux sources, multiples, de sa mythologie. Une passionnante généalogie de la bête où se croisent H.P. Lovecraft et John Carpenter, Joseph Conrad et Roger Corman, Jérôme Bosch et Alejandro Jodorowsky, le tout baigné de culture égyptienne et appuyé par des témoignages de première main. Pour mieux comprendre encore la richesse -thématique, esthétique, philosophique- proprement inépuisable de ce chef-d’oeuvre monstre.

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