Dans l’espace, personne ne vous entendra râler

Valerian and the City of a Thousand Planets © DR

Les journalistes cinéma sont des gens comme les autres: à la moindre déconvenue lors d’une projection, ces adultes civilisés peuvent abandonner leurs bonnes manières. Illustration avec les déconvenues lors de la vision de presse de Valerian and the City of a Thousand Planets, ce mercredi au White Cinema.

Comme tout un chacun, lorsqu’ils se rendent au cinéma, les critiques de films espèrent passer un bon moment dans des conditions optimales sans trop perdre de temps. Alors quand la 3D ne fonctionne pas lors de la vision de presse de Valerian and the City of a Thousand Planets (en salles le 26 juillet prochain), c’est la panique. Catastrophe, les images sur l’écran sont floues. Le bal des mécontents va commencer.

Le premier mouvement de ce bal consiste à vérifier si ses lunettes fonctionnent. Le public va ainsi ôter puis remettre cet accessoire plusieurs fois de suite dans un mouvement frénétique frôlant la démence. Cette opération accomplie, l’observateur aguerri le verra ensuite se pencher vers son voisin avec plus ou moins de discrétion, et lui murmurer dans l’oreille des « Ça marche chez vous? », « C’est normal que ce soit tout flou? » et autre « La 3D est vraiment mauvaise ici.« 

Déjà, les plus courageux se ruent par grappes en dehors de la salle afin de prévenir le projectionniste de la défaillance technique. Les moins entreprenants applaudiront bien assis la démarche courageuse du voisin. Malgré l’action héroïque de ces quelques justiciers qui ont préféré sacrifier le confort de leur siège pour affronter le climat hostile ainsi que la mine, on l’imagine, bougonne du projectionniste, le film continue.

Cinq bonnes minutes s’écoulent et toujours pas la moindre amélioration. C’est lorsque les premiers sous-titres apparaissent que les plus distraits se rendent compte que quelque chose cloche. Impossible de déchiffrer la traduction. On croirait lire à travers un tesson de bouteille au petit matin après avoir englouti le contenu de ladite bouteille.

Dans l'espace, personne ne vous entendra râler
© White Cinema

Alors que le titre inaugural apparait, les premiers cris se font entendre. Le plus fort en gueule s’exclame: « il faudrait peut-être arrêter la projection! C’est pas possible ça! » D’autres se lancent alors dans le bain. La porte des vociférations ayant été ouverte, la foule peut enfin se laisser aller et désormais s’égosille en pure perte.

Les hurlements se multiplient un temps sans rencontrer le succès espéré. C’est à croire que dans une salle de cinéma, personne ne vous entend crier. Par miracle, les voies auditives du projectionniste sont moins impénétrables que celle du Seigneur. Le film s’arrête enfin, à grand renfort de « Haaa », de « C’est pas trop tôt » et de « Je ne remettrai plus les pieds ici ».

C’est alors que la pauvre attachée de presse entre dans la salle afin de calmer le troupeau. « Nous, nous excusons, nous n’avons reçu le film qu’hier et nous n’avons pas eu le temps de faire les tests nécessaires. Nous faisons tout notre possible pour rétablir la situation », explique-t-elle mal à l’aise. « In het vlaams » s’exclame quelqu’un. L’infortunée attachée de presse reprend alors ses explications dans la langue de Vondel d’une voix encore moins assurée.

Une fois prévenu qu’il risque d’être là pour un bon moment, chacun adopte un comportement singulier. Certains en profitent pour socialiser, vont à la rencontre des autres, que ce soit pour se plaindre ou évoquer les vacances prochaines. D’autres se réfugient aussitôt vers leur portable afin de chercher une contenance. Une partie décide de tirer profit de la situation en s’installant plus confortablement, en terminant un roman, ou encore en mangeant une collation.

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La trotteuse a à peine le temps de faire un tour que les premiers abandonnent déjà l’attente. Ils plient bagage, emportant avec eux les personnalités les plus impatientes.

Les minutes s’égrènent et soudain l’écran s’illumine. Le film reprend. Surprise: la 3D fonctionne. Par contre, la moitié de l’assemblée s’est évaporée dans la nature. L’autre moitié n’est quant à elle plus en place. Pire, les lumières de la salle sont toujours allumées. Ne comprenant pas qu’il s’agit d’un test du projectionniste, une critique particulièrement en voix ce jour-là exclame un « Lumière! » que n’aurait pas renié Josiane Balasko dans la fameuse scène de l’ascenseur du Père Noël est une ordure. On ne peut décemment commencer la séance alors que tout le monde n’est pas là. Voilà l’attachée de presse forcée de partir à la recherche de toutes ces brebis égarées. Trottinant péniblement, tout le monde retrouve sa place non sans difficulté, la pénombre ayant entre temps repris ses droits.

La troisième tentative sera la bonne sous les vivats de la foule. Un homme isolé tente même de lancer une salve d’applaudissements. Il ne faut pas non plus pousser le bouchon trop loin. La frustration rend très démonstratif, la satisfaction un peu moins. La tentative reste orpheline. Celui qui s’était vu leader du groupe replace alors timidement ses mains dans ses poches, là où elles ne peuvent faire de bruit.

Avec trois quarts d’heure de retard, les journalistes vont enfin pouvoir visionner Valerian and the City of a Thousand Planets. Tout vient à point à qui sait attendre…

Adrien Renkin

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