Critique

[Critique ciné] My Cousin Rachel, faux-semblants

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

DRAME/ROMANCE | Adapté de Daphne du Maurier, un élégant drame romantique qui compense sa facture classique par une intrigue bourrée de chausse-trapes.

Insaisissable, intrigante, décrite comme impulsive et passionnée, la cousine qui donne son nom au nouveau film de Roger Michell met tellement de temps à apparaître à l’écran (une grosse vingtaine de minutes) que l’on finit par se demander si elle existe vraiment. Semblable à une anguille, elle ne cessera ensuite jamais d’échapper à toute forme de catégorisation: sentimentale ou manipulatrice, inconstante ou fatale, toujours là ou bien déjà ailleurs? Charmante en tout cas (ou est-ce plutôt charmeuse?), et irrémédiablement nimbée d’une aura de mystère.

[Critique ciné] My Cousin Rachel, faux-semblants

Suspense psychologique aux accents quasi gothiques signé en 1951 par Daphne du Maurier, My Cousin Rachel est adapté dès l’année suivante pour le cinéma par Henry Koster, avec Olivia de Havilland et Richard Burton. Soixante-cinq ans plus tard, le réalisateur de Notting Hill et Morning Glory y va d’une nouvelle version fidèle au récit d’origine: au début du XIXe siècle, un jeune Anglais planifie de venger la mort de son cousin en piégeant l’épouse de celui-ci qu’il croit coupable de l’avoir empoisonné pour toucher l’héritage mais en tombe lui-même éperdument amoureux. Soit la mécanique d’une comédie romantique classique mais voilée d’inquiétude, corrompue par une indécision quasi perverse. Un peu comme dans l’irrésistible Suspicion (1941) d’Alfred Hitchcock -lequel a d’ailleurs porté du Maurier à l’écran par trois fois: dans Jamaica Inn (1939) en Angleterre d’abord, dans le sublime Rebecca (1940) et dans The Birds (1963) aux États-Unis ensuite.

Leurre de vérité

Frémissante oie blanche aux élans romantiques pour l’un, fleur délicate ou vénéneuse doublée d’une veuve éplorée ou noire pour l’autre, Sam Claflin (la saga The Hunger Games) et Rachel Weisz prennent et donnent beaucoup de plaisir devant la caméra d’un habile Roger Michell qui, fasciné par les ressorts viciés de la passion, s’amuse à brouiller les pistes en toute élégance: l’enjeu est-il la folie de l’homme qui aime ou la toxicité de la femme qui est aimée? Les apparences sont souvent trompeuses, certes, mais son film interroge avant tout notre regard, et notre faculté à croire. Qu’avons-nous vu? Qu’avons-nous cru? Faut-il croire sans voir? Faut-il voir sans croire? Vastes et inépuisables questions qui traversent toute la tradition judéo-chrétienne mais aussi toute l’Histoire du cinéma, du Fury de Fritz Lang au Blow-Up d’Antonioni en passant, au hasard, par le… Vertigo d’Hitchcock.

De Roger Michell. Avec Rachel Weisz, Sam Claflin, Holliday Grainger. 1h46. Sortie: 23/08. ***(*)

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