Critique

[Critique ciné] Mountain, la femme au cimetière

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Austère et terrible, un film israélien troublant, d’une sauvage et transgressive beauté.

Autour de la maison, des tombes à perte de vue, sur la colline aride. De la fenêtre de la cuisine, on aperçoit un dôme doré. Tzvia aime cette vue que les musulmans appellent al-Aqsa et les juifs Mont du Temple. Nous sommes à Jérusalem, où Tzvia et les siens (un mari, quatre jeunes enfants) habitent dans un logement modeste adossé au cimetière du Mont des Oliviers. La famille est pieuse, le mari enseigne dans une école religieuse. Quand les enfants et lui sont partis pour la journée, Tzvia s’occupe aux travaux domestiques. Lorsqu’elle veut fumer, ou tromper l’ennui des tâches répétitives, elle sort dans le cimetière, s’y promène, donnant quelque indication à des parents qui cherchent une sépulture, ou croisant le fossoyeur arabe avec lequel s’échangent deux ou trois mots, une cigarette. Il ne se passe rien, et chaque journée répète la précédente. Inlassablement. Tzvia se confond presque avec le décor fixe et solennel du cimetière où s’achèvera tôt ou tard sa vie, passant de la maison à la tombe. Massive, impénétrable, minérale, elle ne le sait pas encore mais les battements de son coeur marquent un compte à rebours vers l’inimaginable…

Douloureux constat

[Critique ciné] Mountain, la femme au cimetière

Impossible de dévoiler l’issue d’une chronique dont on peut juste et très progressivement pressentir qu’elle va pouvoir choquer. Mountain réserve aux spectateurs une expérience austère et implacable, tout en émotion retenue et d’une extrême économie d’effets. Shani Klein, actrice extraordinaire, y campe d’impressionnante façon le personnage de Tzvia, oscillant entre soumission et désir, renoncement et curiosité. Elle restitue avec une force rare, et sans aucune facilité sentimentale, ce que peut être une vie enfermée par la tradition, dominée par l’orthodoxie religieuse, ceinturée par la mort qui hante en permanence chaque allée du cimetière. Mountain ne tient pas du pamphlet. Il ne dénonce rien. Il ne caricature rien. Il pose un constat, un douloureux constat, aux confins de la norme et de la folie, aux confins de l’ordre et de sa transgression. Yaelle Kayam a 38 ans et c’est son deuxième film après le remarqué Diploma (son court métrage de fin d’études en 2009). Également journaliste, la native de Tel-Aviv est réputée pour son énergie à provoquer le débat sur des questions politiques et sur celles concernant le judaïsme. La manière sobre, et rigoureuse dans l’audace, avec laquelle elle le fait dans Mountain souligne ses qualités de réalisatrice et en particulier son sens aigu de la relation entre personnages et espace, entre les êtres humains et le paysage. C’est le cadre du cimetière qui fut d’ailleurs à l’origine du film. Kayam écrivant le script en trois semaines seulement mais revenant ensuite très régulièrement, et durant six mois, sur les lieux mêmes, pour s’en pénétrer avant d’entreprendre le tournage et de signer un Mountain singulier, mémorable.

De Yaelle Kayam. Avec Shani Klein, Avshalom Pollak, Haitham Ibrahem Omari. 1h23. Sortie: 15/11. ***(*)

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