Critique

[Critique ciné] Le Ciel flamand, secrets de famille

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Émotion et suspense hantent le drame familial prenant de Peter Monsaert. Sara Vertongen y est remarquable.

[Critique ciné] Le Ciel flamand, secrets de famille

« Je moeder is een stinkende hoer! » Lancée au visage d’Eline par une fille de son école, la phrase fait mal. Quand la gamine de six ans interrogeait sa mère sur son métier, Sylvie lui expliquait, embarrassée, qu’elle aidait des gens, en leur prodiguant un câlin (« een knuffel« ) quand ils en avaient besoin pour se sentir mieux. En fait, elle dirige une maison de passe tout près de la frontière française, un bordel baptisé Le Ciel flamand et accueillant une clientèle francophone aussi bien que flamande. Eline fut longtemps tenue à l’écart de cet endroit trop louche pour ses yeux d’enfant. Un jour, pourtant, un concours de circonstances va l’en rapprocher. Un pédophile saura en tirer profit… La toile des secrets tissée autour d’Eline, qui ne connaît pas son père tout en le voyant parfois en tant qu' »oncle Dirk », sera dès lors plus complexe encore à démêler. D’autant que la police ne peut mettre un visage sur l’ADN du suspect retrouvé sur la petite. Et que la mère de l’enfant suscite elle-même les soupçons d’une juge voyant d’un très mauvais oeil son activité professionnelle dans la prostitution… Le suspense qui naît ainsi ne sera pas seulement criminel. Ses enjeux seront aussi et peut-être surtout d’ordre intime, avec une famille jamais réellement composée, où des sentiments circulent mais sans aboutir pour autant. L’enquête visant à retrouver le coupable cessera de rester chose policière pour devenir obsession des proches d’Eline. Avec en filigrane de plus en plus visible la tentation d’une vengeance…

Force et justesse

Sur un sujet intense, tragique, lourd de potentiel malaise, Peter Monsaert signe un film dont la noirceur assumée n’empêche pas de viser la lumière, tout au bout de l’épreuve. Le réalisateur gantois, né en 1975 et diplômé de l’Académie locale des Beaux-Arts, avait été remarqué déjà pour un premier long métrage couvert de récompenses en Belgique et à l’étranger. Offline (2012) suivait un ex-détenu, libéré après une peine de sept ans et qui espère retrouver l’équilibre auprès de son épouse et de leur fille qu’il connaît si peu. On retrouve dans le rôle de « l’oncle Dirk » du Ciel flamand l’acteur interprétant ce rôle, Wim Willaert. Et avec lui une thématique très proche, interrogeant la cellule familiale, les liens paternels et maternels. Mais cette fois, la mère occupe le centre du drame, jouée par une Sara Vertongen qu’on peut voir aussi, en ce moment, dans un rôle secondaire du sublime A Quiet Passion de Terence Davies. Surtout active au théâtre, elle interprète le rôle de Sylvie avec une justesse admirable. Dure en surface, minée intérieurement par trop de secrets, de non-dits et d’émotions refoulées, son personnage touche par la force de son amour pour sa fille. Celle aussi avec laquelle elle affronte un monde où sa profession pousse au mépris, voire à vouloir abuser d’elle. Une interprétation superbe, au coeur d’un film qui donne à ressentir, à penser, par-delà son générique final.

DE PETER MONSAERT. AVEC SARA VERTONGEN, WIM WILLAERT, ESRA VANDENBUSSCHE. 1H52. SORTIE: 16/11. ***(*)

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