Critique

Cosmopolis

© DR

DRAME | David Cronenberg filme la chute d’un jeune cyber-capitaliste dans un film visionnaire, emblématique, passionnant.

Cosmopolis, drame de David Cronenberg. Avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, Sarah Gadon. 1h48. Sortie: 30/05. ****

Ce matin, Eric Packer n’a qu’une envie: une bonne coupe de cheveux. Pour aller chez le coiffeur qui a sa préférence, il faut traverser New York. Le chef de sa sécurité déconseille à Eric d’entreprendre le trajet. Le Président des Etats-Unis est en ville et les embarras de circulation vont battre des records. Et puis il y a le risque couru par un milliardaire en vue, même protégé par des gardes du corps accompagnant sa longue limousine blanche. Eric n’en démord pourtant pas. Il veut sa coupe. Et quand ce jeune empereur de la finance veut quelque chose, il l’obtient…

L’ex-vampire de Twilight Robert Pattinson est formidable dans un personnage semblant fait pour lui, pour sa belle gueule pleine de morgue et trop pâle, pour sa séduction quelque peu glaçante, son charme assurément ambigu, les secrets que ses traits de statue grecque laissent deviner, sous le marbre. David Cronenberg a vu juste en le choisissant pour incarner le cyber-capitaliste du roman de Don DeLillo. Et en l’entourant de comédiens donnant à chaque second rôle une force mémorable (Juliette Binoche, Samantha Morton, Paul Giamatti, entre autres, et Mathieu Amalric en… entarteur d’inspiration clairement belge!).

Le cinéaste canadien est dans son élément dans la chronique d’une autodestruction que dessine Cosmopolis. Un dérapage et une chute qui annoncent peut-être ceux d’un système dont Eric Packer est comme le symbole tout à la fois désirable et haïssable. Le yen japonais du livre a été remplacé par le yuan chinois, mais la spéculation va toujours se désincarnant, et (comme le dit une phrase du bouquin devenue réplique du film) « l’argent a perdu son pouvoir narratif, il ne parle plus qu’à lui-même ». Pas difficile de trouver dans la crise actuelle l’écho vertigineux d’un film qui ne l’est pas moins. Un film éminemment cronenbergien, avec son dialogue permanent, organique, de l’intellect (le cerveau, son illusion de contrôle, les questions qui l’assaillent) et du charnel (corps qui jouit, corps qui souffre, toujours en désir de sensations plus fortes). Mais aussi un film extrêmement… kubrickien, avec sa limousine pareille à un vaisseau spatial, son implacable architecture, et son héros dont l’ascension puis la chute expriment l’époque qu’il hante comme dans Barry Lyndon ou Orange mécanique.

Louis Danvers

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