Cannes: la Palme d’or à « Une affaire de famille » du Japonais Kore-Eda (palmarès complet)

Hirokazu Kore-Eda © Belga

Une famille qui vivote et chaparde dans les magasins recueille une fillette maltraitée… Le Japonais Hirokazu Kore-Eda a bouleversé Cannes avant de remporter samedi soir la Palme d’or 2018 pour sa nouvelle exploration des liens familiaux, son thème de prédilection.

Au début du film, difficile de comprendre qui est la mère, qui est le père, qui est l’enfant de qui, ou la soeur… Seule certitude dans cette généalogie opaque, une grand-mère roublarde et aimant l’argent règne sur ce petit monde.

Autour d’elle gravitent un couple abonné au vol à l’étalage, une jeune femme travaillant dans un peep show et un garçon déscolarisé. Mais un soir, ils recueillent une fillette abandonnée, et en font un membre à part entière de leur famille d' »affreux, sales et méchants ».

« Peut-on être parent sans donner naissance? », s’est interrogé le réalisateur qui avait déjà abordé cette question dans « Tel père, tel fils », Prix du jury à Cannes en 2013.

Au lieu de traiter cette adoption/enlèvement comme un fait divers, Kore-Eda en a fait une chronique à la fois tendre et cruelle: « C’est peut-être un film plus social que les précédents, mais le point d’entrée reste la famille », a affirmé ce grand habitué de la Croisette.

Les personnages, souligne-t-il, « ont déjà vécu l’échec dans une première famille, ont échoué en couple et se retrouvent à vouloir commencer, à vouloir reformer une famille qui fonctionne mieux que la précédente. »

L’arrivée de la petite fille redistribue en effet les rôles de chacun, faisant du jeune garçon un grand frère et réveillant peut-être aussi l’instinct maternel de la mère.

Le prolifique cinéaste –son précédent film, « The Third Murder », vient de sortir en France– a de nouveau fait appel à l’actrice Kirin Kiki. Celle qui apparaît dans tous ses films s’apparente pour lui à une « maman de cinéma ». Elle joue ici la grand-mère.

A ses côtés, Sakura Ando émeut en mère aux motivations troubles. « Elle donne beaucoup de relief à son personnage, elle est à la fois mère, fille, femme », souligne Kore-Eda.

Comme dans « Nobody knows » qui le fit découvrir à Cannes en 2004, il fait une nouvelle fois tourner des enfants qu’il filme avec tendresse, s’attardant sur leurs petits pieds ou leur regard triste.

Mêlant veine sociale et description des rapports familiaux, Kore-Eda est souvent comparé au géant du cinéma japonais Yasujiro Ozu, même s’il se réclame plutôt du Britannique Ken Loach pour sa façon de « sublimer des gens ordinaires ».

« Lazzaro Felice » d’Alice Rohrwacher et « Trois visages » de Jafar Panahi prix du scénario

« Lazzaro Felice », de la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher, et « Trois visages » de l’Iranien Jafar Panahi ont été couronnés du prix du scénario samedi en clôture du 71e Festival de Cannes, par le jury présidé par l’actrice australienne Cate Blanchett.

Interdit de voyager, Jafar Panahi, 57 ans, n’avait pas pu venir défendre son film et n’a pas pu non plus venir collecter son prix, qui a été remis à sa fille. Avec ce film, Panahi décroche donc une nouvelle récompense importante dans un grand festival, après l’Ours d’or à Berlin en 2005 pour « Taxi Teheran ».

Portrait de trois femmes iraniennes, « Trois visages » joue de l’ambiguïté entre réalité et fiction avec l’histoire d’une célèbre actrice iranienne (Behnaz Jafari, dans son propre rôle) qui reçoit la vidéo d’une jeune fille implorant son aide pour échapper à sa famille conservatrice et pouvoir devenir comédienne. Elle part alors avec son ami, le réalisateur Jafar Panahi (joué par Jafar Panahi lui-même), dans le village de la jeune fille, dans les montagnes reculées du nord-ouest de l’Iran, pour comprendre s’il s’agit ou non d’une manipulation.

« Lazzaro Felice », d’Alice Rohrwacher, est de son côté une fable empreinte de spiritualité sur « la possibilité de la bonté », à travers l’histoire d’un jeune homme innocent exploité par les autres. « Heureux comme Lazzaro » raconte l’histoire d’une ferme, à une époque indéterminée, où des paysans qui cultivent le tabac sont les serfs d’une marquise qui les fait travailler sans les payer. Parmi eux, Lazzaro -interprété par le surprenant Adriano Tardiolo-, un jeune homme naïf exploité par tous mais « heureux de voir les autres heureux », a expliqué la réalisatrice.

Alice Rohrwacher avait déjà couronné à Cannes par le Grand Prix pour « Les Merveilles » en 2014.

Prix de la mise en scène au Polonais Pawel Pawlikowski

Le réalisateur polonais Pawel Pawlikowski a reçu samedi le prix de la mise en scène au Festival de Cannes pour « Cold War », l’histoire d’un amour tourmenté en pleine Guerre froide, tournée dans un superbe noir et blanc.

« C’est la première fois depuis longtemps qu’un film polonais est ainsi primé ici à Cannes, donc c’est une bonne nouvelle pour notre vieux pays. Et les bonnes nouvelles sont rares », a lancé le réalisateur en recevant son prix, décerné par le jury présidé par l’actrice australienne Cate Blanchett. Pawel Pawlikowski, 60 ans, avait reçu un Oscar en 2015 pour son précédent film « Ida ».

Dans « Cold War », il raconte l’histoire de Zula (Joanna Kulig) et Wiktor (Tomasz Kot), qui se rencontrent dans la Pologne d’après-guerre.

Zula, issue d’une famille modeste, entre dans un ensemble folklorique de musique et de danse dirigé par Wiktor, musicien de l’intelligentsia citadine, obligé de se reconvertir dans l’art populaire pendant l’époque communiste. Ils tombent amoureux, mais très vite Wiktor va vouloir fuir à l’Ouest pour devenir musicien de jazz.

Entre la Pologne et Paris, ils vont tour à tour s’aimer et se déchirer, dans une romance rendue difficile par la situation politique de leur pays et leurs différences d’origines, de caractères ou d’idées. L’histoire de ce film a été inspirée au réalisateur par celle de ses parents.

Le film « Girl » du Belge Lukas Dhont remporte la Caméra d’Or

Le film « Girl » du Belge Lukas Dhont a remporté samedi soir la Caméra d’Or lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes. Ce prix récompense le meilleur premier film toutes sections confondues.

Le jury, présidé par la réalisatrice suisse Ursula Meier, a décidé de remettre le prix à un film « alliant délicatesse et puissance ». « Je tiens à remercier ceux qui m’ont entouré. (…). Je dédie ce film à deux personnes exceptionnelles. Celle sans qui le film n’existerait pas (dont l’histoire a inspiré le long métrage, ndlr).Et celui qui, à 16 ans, a tenu ce rôle sans se soucier du qu’en dira-t-on », a indiqué Lukas Dhont, monté sur scène aux côtés de son acteur principal, Victor Polster, pour recevoir le trophée.

Cette année, 18 premiers films pouvaient prétendre à la Caméra d’Or. Par le passé, des réalisateurs comme Jafar Panahi, Steve McQueen ou encore le Belge Jaco Van Dormael s’étaient vu remettre la précieuse distinction. Avec ce prix, « Girl », ovationné durant près de 15 minutes lors de sa présentation en première mondiale la semaine dernière, enregistre sa quatrième récompense.

Victor Polster avait en effet déjà remporté vendredi le prix d’interprétation dans la section « Un Certain Regard » du Festival de Cannes. Le long métrage, qui raconte l’histoire vraie d’une adolescente née garçon qui rêve de devenir ballerine, a par ailleurs été couronné de la « Queer Palm », un prix indépendant qui récompense un film des sélections cannoises pour son traitement des thématiques altersexuelles (homosexuelles, bisexuelles, transgenres).

Samedi après-midi, il s’était en outre vu décerner le prix Fipresci des critiques de cinéma internationaux dans la section « Un Certain Regard ».

L’Américain Spike Lee récompensé par le Grand Prix pour « BlacKkKlansman »

Absent du Festival de Cannes depuis 27 ans, l’Américain Spike Lee a été couronné du Grand Prix samedi pour « BlacKkKlansman », un film pamphlet où le réalisateur de Brooklyn dénonce à la fois le racisme, l’extrême droite et le président américain Donald Trump.

Alternant pendant deux heures entre polar classique -l’histoire de Ron Stallworth, ce policier noir qui a infiltré le Ku Klux Klan en 1978-, et film politique, le dernier opus de Spike Lee termine sur la dénonciation des événements de Charlottesville, cette ville de Virginie secouée par des violences de groupuscules d’extrême droite le 12 août 2017.

L’acteur italien Marcello Fonte prix d’interprétation masculine

L’acteur italien Marcello Fonte a décroché le prix d’interprétation masculine samedi en clôture du 71e Festival de Cannes, pour son interprétation dans « Dogman », de son compatriote Matteo Garrone, où il tient le rôle d’un toiletteur pour chiens qui va peu à peu sombrer dans la violence.

« Petit à la maison, quand il pleuvait, je fermais les yeux, et j’avais l’impression d’entendre des applaudissements. Maintenant, les applaudissements c’est vous. Je suis chez moi, ma famille c’est le cinéma, c’est vous, c’est Cannes », a déclaré l’acteur calabrais en recevant son prix des mains de la chanteuse burundaise Khadja Nin, l’une des membres du jury, aux côtés de Roberto Benigni, Prix du jury à Cannes en 1998 avec « La vie est belle ».

L’actrice kazakhe Samal Esljamova prix d’interprétation féminine

L’actrice kazakhe Samal Esljamova a décroché le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes samedi, pour son rôle dans « Ayka » de Sergueï Dvortsevoï, où elle interprète une réfugiée kirghize poussée aux dernières extrémités pour survivre, dans un Moscou noyé sous la neige.

Samal Esljamova, 33 ans, était déjà apparue dans le premier film de Dvortsevoï, « Tulpan », couronné par le prix « Un Certain Regard » à Cannes en 2008.

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