Critique

Après mai

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Olivier Assayas revisite le début des années 70 sur les pas d’un lycéen cherchant sa voie dans l’époque. Et fait rimer destin individuel et histoire collective, chronique autobiographique et film générationnel.

DRAME DE OLIVIER ASSAYAS. AVEC CLÉMENT MÉTAYER, LOLA CRÉTON, CAROLE COMBES. 2H02. SORTIE: 14/11. ****

On trouve, à l’origine de Après mai, une démarche peu banale, puisque Olivier Assayas y renoue avec ce début des années 70 qu’il mettait déjà en scène en 1994 dans L’eau froide, un film avec lequel il pousse le mimétisme jusqu’à conserver leur prénom à ses deux personnages principaux, à savoir Gilles et Christine. Leur histoire, c’est aussi un peu celle du cinéaste, qui fait oeuvre partiellement autobiographique. Mais là où sa première déclinaison filmique envisageait la période de façon quelque peu abstraite, il choisit cette fois de se confronter littéralement aux flux l’ayant irriguée, en élargissant le propos pour un auto-remake qui n’en est pas tout à fait un.

Le pivot de Après mai, c’est donc Gilles (Clément Métayer, impeccable), lycéen de la région parisienne cherchant sa voie dans l’effervescence politique et créatrice du début des années 70 -le titre du film renvoyant, naturellement, aux événements de mai 68, dont l’écho est alors encore assourdissant. Et qui, à l’instar de ses amis, va évoluer à tâtons entre la tentation d’un engagement radical et des aspirations plus personnelles, mordant au passage dans la vie telle qu’elle se présente, de rencontres amoureuses en découvertes multiples -en quête de place et de sens dans l’agitation de son temps.

Ce destin individuel à consonance intime, Assayas réussit à le faire résonner avec l’histoire collective: autant que celle de Gilles, c’est l’aventure d’une génération qu’il met en scène (incarnée par une épatante galerie de jeunes comédien(ne)s). Le regard que porte le réalisateur sur l’époque est à l’évidence autorisé, ce que traduisent tout autant une restitution pertinente et minutieuse, qualités déjà à l’oeuvre dans son précédent Carlos, que des choix musicaux dépassant un cadre décoratif pour capter une vibration toute singulière (Syd Barrett, Nick Drake ou Soft Machine, dont le Why Are We Sleeping accompagne le film dans une autre dimension). Il s’enrichit aussi de l’implication toute personnelle de l’auteur, qui ose un romantisme volontiers enivrant sans être naïf pour autant.

De quoi, en tout état de cause, restituer l’énergie à l’oeuvre, de même que la sève d’idéaux que le temps a transformés en utopies, sans perdre le cap de cheminements individuels variés. Servi par une mise en scène rigoureuse et inspirée, le voyage initiatique explose alors en un kaléidoscope d’impressions. Foisonnant, Après mai brasse des émotions profondes comme des réflexions et questionnements divers qu’il fait rimer avec le temps présent, tout en mettant la pratique de l’art au coeur de la vie -une vie qui frémit ici de chaque plan pour donner à l’ensemble un élan singulièrement stimulant. On en ressort troublé, et plus encore transporté.

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