L’oeuvre de la semaine: la revanche de la musaraigne

Emmanuel Tête, la revanche de la musaraigne, 2017. © Copyright de l'artiste et Rossi Contemporary
Guy Gilsoul Journaliste

Les créateurs de l’absurde aiment prendre le temps. Emmanuel Tête n’échappe pas à cette règle, lui qui, avec le seul recours du crayon, dispose avec une extrême lenteur d’exécution, autant le décor et les personnages que les nuances de gris.

Voilà donc un jardin avec son arbre vénérable et tortueux dont les branches, comme dans l’art extrême-oriental, s’élancent dans le vide lumineux d’une composition asymétrique. Chinoiserie encore que l’ombrelle portée par un observateur en costume cravate qui observe le travail de deux autres personnages tout autant citadins. Le premier déroule de l’herbe en rouleau en tirant, l’autre, l’enroule avec le même outil généralement utilisé pour affermir les racines des pelouses. Dans un instant, si la musaraigne (oui, un détail), ne choisit pas la fuite, elle n’échappera pas à la mort.

L’absurdité de cette séquence peut se lire à la manière d’un cartoon de Milton Glaser, Bruce Bolinger ou encore Jack Corbett. Mais ici, les indices relevés que ce soit, d’ordre scénique ou iconographique relève d’un art de la citation déguisée qu’Emmanuel Tête manie avec jouissance. Dans l’époque de doute que nous traversons comme à celle des premières années du XVIe siècle durant lesquelles l’art passa en mode maniériste, les artistes aimaient brouiller les pistes en entremêlant les citations, ouvrant ainsi le champ aux plaisirs réservés aux élites intellectuelles.

Lors de sa dernière exposition, le créateur bruxellois avouait sa fascination pour les prédelles de l’art siennois du trecento tout en convoquant l’art moderne. Cette fois encore, le choix des formats souvent allongés la rappelle mais ces mêmes formats sont aussi ceux des tiroirs du mobilier laqué ou marqueté orné, au XVIIIe siècle des chinoiseries alors à la mode. Du coup, le sens de la composition prend un nouveau départ et avec elle, l’ombrelle ou l’arbre décentré. Et de même la lumière particulière et les regroupements de personnages qui ne sont pas sans évoquer les fêtes galantes peintes par Boucher, Watteau et autres jardiniers de théâtre.

Un des dessins exposé cite même de manière appuyée « Le Mannequin » peint par Goya en 1792. Ce qui laisserait supposer que derrière le non- sens apparent, se dissimule, un message qui pourrait être politique.

Bruxelles, Galerie Rossi Contemporary. 690 chssée de Waterloo rIvoli Building). Jusqu’au 6 janvier. Jeudi, vendredi et samedi de 13h à 18h. www.rossicontemporary.be

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