Oeuvre de la semaine: Fly me to the moon

Darren Almond, Moonbow@Fullmoon, 23011. © Darren Almond
Guy Gilsoul Journaliste

Sur un air de Frank Sinatra, la Kunsthaus de Zürich se souvient comme d’autres musées à Paris, Madrid ou Londres, du premier pas de l’homme sur la lune. C’était le soir du 20 juillet 1969. 50 ans après…. La terre se meurt et Mars est dans le viseur. Cela valait bien une messe.

Cela valait bien une messe. Dans le parcours proposé, aux documents prêtés entre autres par le centre aérospatial allemand se joignent les oeuvres d’une centaine d’artistes, les unes, du passé (du romantisme allemand au Pop Art), les autres plus actuelles. Si la lune fait rêver, la photographie prise par Neil Armstrong révélant pour la première fois ce qu’on appellera désormais la planète bleue agit comme une piqûre de rappel : sa beauté n’aurait-elle donc d’égal que sa fragilité. Or, dès 1957, les savants avaient déjà alerté le monde politique. Et 6 ans avant l’exploit de la Nasa, dans son discours d’investiture, le Président Lyndon Johnson avertissait de la réalité de l’anthropocène… Mais voilà, à l’heure de la guerre froide, les ambitions incarnées dans la conquête de l’espace se préoccupaient bien peu de la terre…

En 2019, rien n’a changé. Il revenait aux artistes de rebondir face au consumérisme aveugle, au machisme bien-pensant et aux racismes rampants d’hier et d’aujourd’hui. Parfois frontalement, parfois avec ironie, certaines oeuvres relativisent l’enthousiasme des conquérants aussi mâles que blancs. Ainsi, l’oeuvre de Shonibare et ses deux astronautes noirs flottant dans le vide ou encore Sylvie Fleury et sa fusée de Tintin convertie en jeune mariée couverte d’albes plumes. Parfois aussi la peur revient comme dans les astronautes icariens de Paul Van Hoeydonck. Quant à l’émerveillement, il prend d’autres accents.

Darren Almond (Turner Prize en 2005), par exemple, fait de la lune, un moyen pour interroger le concept de « Temps ». Explication. Sa série « Fullmoon » réalisée dans les vastes paysages de Patagonie et du Cap Vert, est un travail à la fois très méthodique et très aléatoire. Les photographies sont réalisées à la seule lumière de la pleine lune avec des temps de pause allant de 12 à 30 minutes. Immergé dans la nuit, l’artiste anglais ignore tout du résultat de cette procédure sauf que l’image obtenue appartiendra au domaine de l’apparition et du suggestif. Du coup, l’oeuvre rejoint, par un grand écart, le romantisme de Caspar David Friedrich mais aussi le travail du photographe américain Robert Adams, qui écrivait dans son Essai sur la beauté en photographie (Fanlac éd) : « Les images de paysages ont, je pense, trois vérités à nous offrir : géographique, autobiographique et métaphorique. La géographie seule est parfois ennuyeuse, l’autobiographie souvent anecdotique, et la métaphore douteuse. Mais ensemble, ces vérités se consolident l’une l’autre et renforcent ce sentiment que nous essayons tous de garder intact : une tendresse pour la vie ».

Kunsthaus, Heimplatz 1. Jusqu’au 30 juin. Mardi-jeudi de 10h à 18h; Mercredi et jeudi jusqu’à 20h.

Site : kunsthaus.ch/fr

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