L’oeuvre de la semaine: Le cri de Franz Masereel

Guy Gilsoul Journaliste

Pour ce pacifiste, écoeuré autant que révolté par la cruauté du conflit, le combat est clair. Alors, il prend ses couteaux et ses gouges et entame la chair de la plaque de bois.

Franz Masereel, Debout les morts, 1917
Franz Masereel, Debout les morts, 1917© VG Bildkunst/Sabam

Né à Blankenberge, formé à Gand, les débuts de la carrière de Frans Masereel (1896-1972) sont parisiens. Mais la guerre éclate et pousse le jeune graveur sur bois à l’exil. Le voilà en Suisse comme Stefan Zweig, Rainer Maria Rilke ou encore Romain Rolland qui deviennent ses amis. De cette période date cette xylographie d’une rare violence de ton. Pour ce pacifiste, écoeuré autant que révolté par la cruauté du conflit, le combat est clair. Alors, il prend ses couteaux et ses gouges et entame la chair de la plaque de bois. Il creuse ainsi tout autour des traits et des formes qui demeurent en relief et sur lesquels, l’encre, la plus noire possible s’imprimera sur la feuille blanche de l’estampe. Cette technique, qui remonte au moyen-âge, n’autorise pas les déliés et les retouches. Elle exige la franchise, la décision, le couperet. Tout se joue donc sur une formulation minimale mais efficace.

Quelles sont les solutions trouvées qui accentuent le côté expressionniste de l’image de ce soldat vaincu.

1. Le cadrage. De part et d’autre de la figure, un rideau dentelé referme l’espace en limitant toute circulation d’air, donc toute distance. Dans le bas, le fusil clôture à son tour toute tentative de mouvement. Le soldat est cerné, prisonnier.

2. L’espace. Le héros est plaqué à l’avant-plan, écrasé par une vitre invisible. Il ne sera pas le seul condamné comme l’indique le personnage qui, comme lui, se fera bientôt empalé par un fil barbelé.

3. Le mouvement. La figure du soldat suit une oblique qui part du coin supérieur gauche pour s’affaisser dans le coin inférieur droit. Ce parti pris dramatique est celui de Rubens quand il traite le thème du martyr. Mais à la différence du peintre baroque, la conclusion du mouvement ne se trouve pas en hauteur (signe de victoire malgré le drame) mais accentue le poids d’un corps qui, dans un ultime cri, ne rejoindra que la mort.

4. L’usage des contrastes. Ici, les plus absolus afin d’écarter toute tiédeur.

  • L’exposition présente un ensemble d’estampes réalisées pendant la guerre mais aussi, des aquarelles vues de plage, scène de bistrots…
  • Bruxelles, Bibliotheca Wittockiana. 23 rue Bemel (1150). Jusqu’au 1er mars. Du Ma au Di de 10 à 17 heures. www.wittockiana.org

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