L’oeuvre de la semaine: Filtrer le noir

Richard Laillier, The Tale, 2019. © C de l'artiste et Galerie Fred Lanzenberg Bruxelles.
Guy Gilsoul Journaliste

Le noir est-il une couleur ? Non, précisent les uns, oui, disent d’autres et parmi eux, de fameux coloristes comme Renoir, Matisse ou Rothko.

Faut-il voir dans son utilisation et comme l’écrit Richard Serra, « le moyen le plus simple de ne pas créer d’association d’idées » ? La voie est austère et vise un idéal minimaliste qu’aux antipodes, en cherchant à faire perdre tour repère, Anish Kapoor atteint en usant d’un noir absolu obtenu via des nanotubes de carbones (le Vantablack). Si de manière plus traditionnelle, l’encre, matériau originel de la tradition chinoise, autorise mille variations de gris, des plus clairs aux plus impénétrables, les graveurs atteignent la plus profonde et la plus voluptueuse impression via la technique, lente et fastidieuse, de la manière noire. Mais le noir en appelle aussi à la subtilité des plus délicates sensations lumineuses. Dans ses « Outrenoirs », Pierre Soulages utilise le noir d’ivoire avec lequel il convoque le jour et ses caprices. D’autres préfèrent « filtrer » le noir qui parait alors se dissoudre en convoquant la pâleur comme autant d’apparitions fantomatiques. Ainsi, Richard Laillier dont la technique intrigue et retient l’amateur. L’artiste français revient à Bruxelles avec une suite de paysages et d’énigmatiques figures. Pour ce faire, il mêle deux matériaux, l’un végétal (le fusain), l’autre minéral (la pierre noire) avec lesquels il recouvre le papier à son tour préalablement préparé à base d’une teinte de terre légère. L’étape suivante sera celle de l’estompe. A l’aide d’une gomme, il va rechercher, avec la patience des amants, des parts de clartés plus ou moins affirmées dans lesquelles se dessinent la forme, ici d’un personnage, là, d’un animal fabuleux. S’y incarnent aussi des corps couchés ou dressés dont l’érotisme n’a d’égal que celui de la texture noire des alentours qui entourent, menacent ou protègent les figures. Le noir y est davantage qu’une couleur, une complice.

Bruxelles, Galerie Fred Lanzenberg. 9 av des Klauwaerts (1050). Jusqu’au 30 novembre. Ma-Ve de 14h à 19h, sa de 12 à 19h.

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