L’oeuvre de la semaine: Au fil d’ortie

Hyun-Souk Song, 3 Brushstrokes 2017
Guy Gilsoul Journaliste

Hyun-Souk Song est née voici 67 ans dans un paysage apaisé balayé par les vents de la mer. Dans ce coin de la Corée du Sud, on cultive depuis le XVIe siècle, une espèce particulière d’ortie (la ramie) dont, à partir des tiges, on tire des fils blanchis que, de mères en filles, on tisse pour en faire des étoffes aussi légères que résistantes

Là donc que la petite fille a côtoyé ces artisanes comme elle a pu voir au travail les peintres de céramique qui, avec leur pinceau en crin de cheval (celui dont elle se sert aujourd’hui), transposaient leur savoir calligraphique en paysages. En 1972, elle quitte son pays pour rejoindre l’Allemagne et s’inscrit quatre ans plus tard à l’université des Beaux-Arts de Hambourg où elle apprend les techniques occidentales dont la détrempe. Le mélange des pigments et de l’oeuf utilisé dans l’Italie du Duecento offre des surfaces d’une grande douceur mais la moindre erreur est fatale. Cette exigence convient à Hyun-Souk Song et se mêle aux souvenirs de ses premières années, à la culture et à l’histoire de son pays d’origine, ce qui l’amène à rejoindre la Corée et à s’inscrire à l’université de Gwangju. De retour à Hambourg, elle sait désormais quel sera son chemin et sa pratique.

Le sujet sera simple, répétitif dans ses variations. La fibre en sera la figure principale. En réalité, un seul trait de pinceau qui s’étire et se dilue au fur et à mesure jusqu’à s’éteindre comme la vie elle-même. En répétant ce geste aussi intuitif que philosophique, se construit peu à peu une surface qui renvoie aux fils de ramie tendus sur un cadre par les artisanes coréennes. Parfois, ces tracés s’enroulent autour d’un piquet qui peut tout à la fois, évoquer la naissance de la maison ou celle du métier à tisser. Mais alors que la détrempe traditionnelle appelle l’intensité des teintes et leur opacité, Hyun-Souk Song cherche les « vélatures » aux effets de lumières lunaires sur fond e vide. Et surtout, ce n’est pas debout devant son chevalet qu’elle opère mais couchée sur une planche suspendue sous laquelle se trouve le support à peindre. Cette position la conduit à une concentration maximum visant l’absolu évoqué par le moine Shi Tao (1642-1718): « Tout le monde peut faire de la peinture, mais personne ne maîtrise la règle du seul trait de pinceau ».

Zeno X Gallery. Godstraat 15 à Anvers. Du 30 octobre au 14 décembre. Du mercredi au samedi de 13h à 17h. www.zeno-x.com

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