L’oeuvre de la semaine: A la lumière de Fra Angelico

Etienne Van Doorslaer, Compositie, 2005 courtesy Rossicontemporary Bruxelles. © DR
Guy Gilsoul Journaliste

Vous ne percevez presque rien ? Vous avez raison. Seul apparaît le tracé d’une forme géométrique polygonale inscrite dans le rectangle de la toile dont les deux médianes traversent l’espace vide.

L’oeuvre pourrait être le produit d’un effacement progressif répondant à une crainte d’affirmation. On se tromperait. Car, à y regarder de plus près se précise tout un univers de la nuance. Les blancs sont légèrement différents et les lignes, qui auraient pu être exécutées de façon régulière et mécanique, révèlent au contraire une manière très sensible et pour tout dire, frémissante. « Un espace qui se mesure peut se penser » » écrivait Alberti, fondant ainsi au XVe siècle l’esprit de la Renaissance italienne. On en serait ici aux antipodes. Cet espace ne se pense pas. Il se respire à la manière d’une quête.

Mais de quoi ? Pour le savoir, il s’agirait d’évoquer son auteur, un moine bénédictin appelé Père Maur (1925-2013), qui passa toute sa vie dans un monastère de la région brugeoise. Son art est dès lors profondément religieux et ancré dans une expérience de vie qui aura produit les hauts lieux de l’art roman (de Cluny à Conques ou Moissac) et les fresques de Fra Angelico à Florence. Comme ce dernier (et tous ses frères), notre peintre vise la lumière irradiante dont le blanc pourrait être l’incarnation.

Mais alors, une blancheur teintée de roses, de bleus et de verts à peine naissant. Comme ce dernier, il est aussi un homme de son temps. Le Toscan n’ignorait rien des découvertes de la perspective linéaire. Le peintre brugeois n’ignore rien du développement des recherches des Abstraits. Dès les années 1960, il comptait parmi ses amis les peintres Magnelli et Van Severen. Et si cinq mois par an, il rejoignait la Californie et un autre monastère où il réalisait de la poterie au service de la communauté religieuse, il prenait aussi le temps des échanges d’idées avec un autre de ses proches, l’architecte Frank Gehry.

Alors, regardons de plus près ce travail. Imaginons ce peintre (de son vrai nom Etienne Van Doorslaer), penché comme un enlumineur du moyen-âge sur ce petit format de toile. Autour de lui, sous les combles, tout est blanc. Aujourd’hui, trois ans après sa mort, son oeuvre sort de la confidentialité.

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