Expo: David Hilliard, photos romans

Discerning Eric © Courtesy David Hilliard et la Galerie Particulière, Paris-Bruxelles
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Pour sa nouvelle série The Tale Is True, le photographe David Hilliard fourre son objectif dans la vie des autres. En résulte une odyssée lumineuse et narrative.

On n’a pas eu la chance de voir l’exposition inaugurale en septembre, mais à découvrir The Tale is True, on se dit que La Galerie Particulière risque fort de figurer parmi les lieux d’accrochage qui comptent à Bruxelles. A la base, cette galerie est parisienne, elle s’est ouverte il y a cinq ans du côté du Marais. Une galerie avec flair, si l’on en juge par le fait qu’elle soit la seule en Europe à représenter le travail de David Hilliard (Boston, 1964), photographe prisé dont les oeuvres figurent entre autres au Whitney Museum, à l’Art Institute de Chicago et même au LACMA. Du coup, c’est carrément une première que l’adresse propose, Hilliard n’ayant jamais été présenté en Belgique. Cela fait pourtant près de 20 ans que l’artiste documente sa vie et celle des autres à la façon d’un carnet intime. Pour lui, il s’agit de mettre de l’ordre dans ce chaos angoissant qu’est l’existence. Derrière son travail, une figure tutélaire: celle de son père. Dans les années 50, cet amateur éclairé constituait des collages à l’ambition panoramique approximative (il s’agit d’une époque où les téléphones ne faisaient pas le boulot…). Cette grammaire formelle a fortement influencé le fils, qui déploie ses clichés en panneaux -diptyque, triptyque, quadriptyque-, dont chaque pan fait valoir une focale ou un angle différents. Le résultat déroutant évoque, comme le notait Jean-Sébastien Stehli dans Le Figaro Madame, un « monde en slow motion ». Déroulé au ralenti, cet univers narratif et magnétique convoque une autre influence majeure: celle du cinéma -on songe tout particulièrement à la longue déambulation en Vespa de Nanni Moretti, rythmée par le Köln Concert de Keith Jarrett, dans Caro Diario.

Père et fils

S’il a déjà eu l’occasion de tourner les pages du roman familial, notamment les relations qui l’unissent à son père, David Hilliard profite de The Tale is True pour creuser la vie d’un autre: celle d’Éric, son ami. Il faut dire que cette existence ne manque pas de romanesque. Ce dernier vit avec son père, reclus dans une maison de Cape Cod, Massachusetts. Savant américain reconnu, le vieux souffre du syndrome de Diogène: il accumule une série d’objets inutiles comme une sorte de barrage contre le néant. La situation est précaire: ne travaillant ni l’un ni l’autre, les deux hommes ont des difficultés à joindre les deux bouts. La faillite s’annonce inéluctable, avec la vente de la maison -leur dernier bien- comme horizon ultime. L’accrochage de la galerie fait place à neuf images de cette série envoûtante. C’est particulièrement vrai de Discerning Eric (la photo), un triptyque de panneaux de 61 sur 51cm. L’effet de construction-déconstruction y est remarquable, tout autant que les symboles -entre autres la nature morte de fruits croqués- qui transcendent le « hic et nunc » pour désigner la condition humaine et ses tourments. Le tout baignant dans une lumière d’une grande douceur, quasi onirique, contrastant avec la dimension tragique de la prise de vue.

The Tale is True, David Hillard, La Galerie Particulière, place du Châtelain 14 à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 1/02.

www.lagalerieparticuliere.com

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