Critique théâtre : un Macbeth des bas-fonds

Les trois sorcières deviennent trois infirmières coiffées à l'ancienne, aux masques transparents et aux rires interminables... © Jérôme Dejean
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Georges Lini monte un Macbeth imbibé de sang et de boue, frisant le gore dans une ambiance de souterrain. Si le squelette de l’original de Shakespeare y est, la chair et le verbe s’y noient un peu.

Le génie de Shakespeare a permis à Macbeth de se prêter à tous les assaisonnements. Transposée de son Écosse originelle dans la mafia de Bombay ou dans le Japon des samouraïs, la soif de pouvoir qui envenime les coeurs du général et de sa Lady reste une tentation universelle (lire aussi https://focus.levif.be/culture/arts-scenes/macbeth-remords-eternels/article-normal-1076679.html). Pour sa version montée au Théâtre royal du Parc, Georges Lini transpose l’intrigue dans un temps indistinct, un peu punk, un peu hipster, un peu dandy, et dans un lieu unique à double niveau, sombre, souterrain, sale de sang et de boue, baignant dans une ambiance verdâtre ou bleutée par la nuit.

Ceux qui ont vu le Caligula monté par Lini et sa compagnie Belle de Nuit cet été dans les ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville y trouveront pas mal de points communs avec ce Shakespeare: Itsik Elbaz endossant le personnage principal s’enfonçant dans les crimes, un banquet malsain (ici rincé par une véritable averse), une révolte contre le tyran qui finit par l’emporter, les acteurs presque toujours en scène dans une zone de loges. Mais là où Camus reste dans une certaine vérité historique autour de l’empereur romain, le Grand Will fait intervenir le surnaturel, ce qui ouvre ici chez Lini la porte d’un gore hystérisant, pas forcément déplacé mais écoeurant à la longue (bouffer Banquo, vraiment?).

Les trois sorcières deviennent trois infirmières coiffées à l’ancienne, aux masques transparents et aux rires interminables, donnant d’abord leurs prédictions funestes d’une cabine où elles apparaissent puis disparaissent subitement (gros travail sur la lumière de Jérôme Dejean). Le spectre de Banquo -un Stéphane Fenocchi hagard à souhait- arrive de la salle, avant de prendre place à table, isolé sur le grand écran de l’étage par un caméraman quasi omniprésent. La vidéo, parfois redondante, sert à plusieurs moments à découper judicieusement l’espace

Dans son adaptation, Lini choisit de conserver en partie la langue de Shakespeare, de l’actualiser complètement dans certaines scènes, d’y ajouter des interventions méta un peu lourdes (« y a -t-il un micro dans ce théâtre ? », ce genre), mais surtout de la raccourcir. De ce passage à l’accélérateur de particules, l’intrigue de la première partie se retrouve parfois à la limite de l’incompréhensible. A peine le temps d’avoir décrypté la prédiction des sorcières que le roi Duncan est déjà assassiné. Dans la deuxième partie, beaucoup plus courte, les tambours battent moins vite, laissant même à Elbaz le temps d’une reprise de Love Is Blindness tandis que derrière lui se déroule en pantomime le meurtre de la femme et du fils de Macduff. Enfin, comme pour contrer le risque de mauvaise compréhension, certaines parties de dialogues se donnent face au public et non face à l’interlocuteur, convention dont découle une saveur artificielle.

Bref, y a ici de bonnes idées, une vraie atmosphère de tragédie, mais ça ne restera pas notre création préférée de Georges Lini et de Belle de Nuit, très actifs ces derniers temps. A quand la prochaine ?

Macbeth : jusqu’au 16 février au Théâtre royal du Parc à Bruxelles, www.theatreduparc.be

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