Critique théâtre: Ulysse revient

© Alice Piemme
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Pierre Megos dévoile les coulisses d’un film reposant sur l’incrustation d’images et quelques revers du rêve hollywoodien. Son #Odyssée s’affirme comme un bijou de précision technique, mais se prend un peu les pieds dans ses boucles finales.

Est-ce parce que ses pérégrinations en mer font écho au tragique des migrations d’aujourd’hui? Toujours est-il qu’Ulysse et son Odyssée inspirent beaucoup ces derniers temps. Après Ithaque de la Brésilienne Christiane Jatahy présenté au National le mois dernier et avant que L’Odyssée jeune public de la compagnie Dérivation n’arrive au même National pour Noël au Théâtre (le 29 décembre, à partir de 6 ans), voilà que Pierre Megos investit le Varia (après une première série de dates à Liège) pour sa version # de l’oeuvre d’Homère.

# car ici les nouvelles technologies, la dématérialisation et les nouveaux modes de communication jouent un rôle prépondérant, dans un récit où se superposent trois couches de réalité. Il y a d’abord ce qu’on voit sur le plateau: deux acteurs -Pierre Megos et la toujours irrésistible Uiko Watanabe-, s’exprimant en français (et un peu en japonais) quand ils sont vraiment eux-mêmes. Le premier va jongler avec les costumes pour être filmé en live et directement incrusté dans des images préenregistrées grâce à un fond bleu englobant toute la scène. La seconde va passer une grande partie du spectacle dans une combi intégrale du même bleu pour déplacer les différents accessoires. Ça, c’est le premier niveau.

Le deuxième niveau, en anglais surtitré, commence par un épisode un peu hermétique où un réalisateur, Mister Peter, est retenu prisonnier par une maîtresse dominante. Délivré, retrouvant son téléphone, ledit Peter va ensuite passer une série de coups de fil pour mettre en branle son premier long métrage, sur l’histoire d’Ulysse. Les communications s’enchaînent, via l’écran du smartphone. Émilie Flamant est Summer, la secrétaire nympho, Fabien Dehasseler est Mister Goldstein, producteur aux airs de cyclope, Estelle Marion est la mère qui aimerait récupérer tout le fric dépensé dans l’éducation de son fils, Tristan Schotte est l’assistant en transition de genre, Sophie Sénécaut est une découvreuse de talents overbookée, etc. Le tout brossant une caricature de tout ce qu’Hollywood a de vaseux.

Troisième niveau: le film lui-même, version futuriste de l’Odyssée, morceau de S-F hyper cheap qui prouve que grâce à la « magie du cinéma », on peut créer des mondes, des monstres et des batailles avec trois fois rien. Mais l’usine à rêves s’encrasse quand l’argent vient à manquer. Le beau projet de Mister Peter s’enraye, et par la même occasion, le spectacle aussi, qui n’en finit plus d’accumuler les obstacles auxquels le réalisateur se heurte et tente de surmonter. Quitte à prêter sa femme enceinte pour une nuit à un producteur en échange d’une somme qui lui permettra de venir à bout de son projet. « Il faut croire en ses rêves », clame-t-on dans une séquence « motivante ». Pierre Megos est lui venu à bout du sien, dans une performance exigeante, techniquement époustouflante, mais qui mériterait d’être resserrée dans sa dernière partie.

#Odyssée: jusqu’au 20 décembre au Théâtre Varia à Bruxelles, www.varia.be

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