[Critique théâtre] Anne-Cécile Vandalem toujours plus au Nord

Arctique, d'Anne-Cécile Vandalem © Christophe Engels
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Avec Arctique, Anne-Cécile Vandalem orchestre un thriller polaire en huis clos sur un bateau. L’isolement et le froid poussent une poignée de voyageurs clandestins de demain dans leurs derniers retranchements. La barque est chargée, mais le voyage est savoureux.

On l’attendait au tournant après le succès fulgurant de Tristesses (toujours en tournée). L’auteure et metteuse en scène Anne-Cécile Vandalem reprend dans Arctique le concept de décor monumental à double-fond où le spectacle qui se déroule sur scène est complété d’un film tourné en live dans la partie invisible et projeté sur un écran géant surmontant le tout. L’effet de surprise est donc passé. Mais la maîtrise époustouflante du procédé reste. D’autres éléments ont été repiqués: des secrets enfouis qui resurgissent de manière violente, une coloration politique générale, des apparitions de fantômes et des musiciens qui interviennent en live, renforcés par les comédiens qui se font chanteurs à l’occasion. On y retrouve d’ailleurs deux d’entre eux: Jean-Benoit Ugeux, toujours parfait dans les personnages sans gêne, ici en « acteur dramatique » travestissant la réalité dans le récit qu’il en fait à son dictaphone au vu et au su des autres protagonistes, et Epona Guillaume, 16 ans, autre fidèle d’Anne-Cécile Vandalem (présente dans ses spectacles depuis Habit(u)ation, en 2010), en passeuse mystérieuse.

Nous sommes en 2025, dans un luxueux navire qui n’a jamais vogué suite à un accident, tracté vers le Groenland, terre de toutes les promesses (air encore pur, emplois, paix…) dans un futur proche apocalyptique. Se retrouvent dans l’un des grands salons du paquebot six passagers clandestins aux motivations plus ou moins avouables, aux identités plus ou moins fausses et aux passés plus ou moins troubles. Une chaîne de trahisons, vengeances et révélations va se déployer dans cette embarcation qui tangue (pas facile à intégrer au jeu des acteurs) avant de se retrouver prisonnière de la glace (il faut alors simuler le froid, pas facile non plus). En s’intéressant au Groenland, Anne-Cécile Vandalem a choisi un territoire concentrant bien des enjeux pour le XXIe siècle (géostratégiques, énergétiques, touristiques, éthiques…) et elle leur donne une place dans sa fiction d’anticipation, parfois au chausse-pied et au risque de complexifier l’intrigue à outrance. Mais l’ensemble reste à flot et offre plusieurs moments d’anthologie, comme quand la nature reprend ses droits dans le bateau, flirtant avec le gore dans une séquence visuellement ahurissante.

Arctique, jusqu’au 3 février au Théâtre national à Bruxelles et du 8 au 10 février au Théâtre royal de Namur.

Toujours en tournée: Tristesses, du 2 au 4 mars au Théâtre de Liège, les 8 et 9 mars au Palais des Beaux-Arts de Charleroi, les 24 et 25 avril au Centre culturel de Bruges.

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