Critique scènes: Vague latino au KVS

© Alejomo Guilansky
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Avec le festival Proximamente, le KVS met en lumière les arts de la scène en Amérique latine, à travers une foule de rendez-vous avec des artistes venus du Brésil, d’Uruguay, du Chili et d’Argentine. En ouverture, le Grupo Krapp, basé à Buenos Aires, proposait Rubios, cocktail absurde et acéré de danse, théâtre, musique et vidéo.

Ils sont fous ces Argentins! Tel est le verdict, unanime, à la sortie du Bol du KVS, après près de deux heures de délire mené tambour battant par les cinq acolytes du collectif Grupo Krapp (baptisé d’après un monologue de Beckett, Krapp’s Last Tape), fondé en 1998. Pourtant, l’ensemble commençait relativement calmement, par une présentation d’objets trônant chacun à leur tour sur un petit présentoir et bénéficiant d’un commentaire en voix off. D’un frigo box orange à une kalachnikov en passant par un sapin de Noël et un filet à papillons, mais aussi par les cinq acteurs-danseurs eux-mêmes, quatre hommes et une femme, en short, chemise à carreaux, chaussettes remontées et protections pour les genoux

Après cette première partie redéfinissant le « théâtre d’objets » et un intermède où la famille est désarticulée musicalement, on vire vers la danse dans l’esprit du popping, cette danse urbaine où l’on isole, contracte et décontracte les différentes parties du corps pour une évocation des mouvements robotiques. C’est d’abord Luciaña Acunia qui se lance, avec un vrai savoir-faire de danseuse. Ses collègues masculins s’en sortent beaucoup moins bien, mais assument leur maladresse. L’ambiance commence à dégénérer quand certains s’avisent à en copier d’autres, les uns accusant les autres de les imiter et d’autres encore jouant les cafardeurs. Ici et là, la violence explose, en cris, en coups de pied au cul, jusqu’à ce que le quintette mute complètement en enfilant des perruques pour devenir blonds (« rubios » en espagnol, le titre).

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

La troisième et ultime partie intègre dans une vidéo pratiquement tous les objets et la gestuelle saccadée déployés jusque-là, dans une confrontation cartoonesque de deux « familles »: les blonds d’une part, touristes déchaînés, bruyants et écervelés, et d’autre part des espèces d’hommes sauvages à longs poils, sortes de chasseurs camouflés passant leur temps à grommeler, jurer et tenter de dégommer des canards. Dans un décor purement réaliste, au sein d’extérieurs où apparaissent aussi des gens « normaux » nullement perturbés, la petite troupe multiplie -avec des sons amplifiés irritants- les gesticulations inutiles, balourdes, agressives, comme une synthèse de toute la bêtise humaine, en train de se répandre au fil des plans dans une nature d’une beauté de plus en plus sauvage et somptueuse. Un miroir tendu rendu volontairement insupportable. Clairvoyant et dérangeant.

Et après le salut, tous les spectateurs sont invités à monter sur scène pour une photo de famille en guise de protestation aux coupes dans le budget culture exigées par le nouveau gouvernement flamand. Car, oui, il n’y a pas que de l’autre côté de l’Atlantique qu’on sabre dans les dépenses jugées par certains comme superflues. Du lard ou de l’art: que veut le peuple?

Festival Proximamente: jusqu’au 30 novembre au KVS à Bruxelles, www.kvs.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content