Critique scènes : Trois soeurs

© Trois soeurs
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Sur un texte de Pietro Pizzuti, Magali Pinglaut met en scène un trio de femmes victimes/battantes/héroïques, en un huis clos hospitalier grave mais semé d’humour.

Des néons qui diffusent une lumière glacée au plafond, une double porte qui s’ouvre avec un interrupteur, un rideau sur un rail courbe qui délimite l’espace : pas de doute, nous sommes dans un hôpital. C’est dans l’un de ces lieux d’attente impersonnels, théâtres en soi de nombreux drames, qu’arrivent trois femmes, toutes liées au même homme qui est en train de s’éteindre dans une des chambres. Il y a Marie-Clémence l'(ex-)épouse (Anne-Claire, toujours aussi lumineuse), artisto qui s’emberlificote dans les tournures allitérantes de son langage, femme battue qui pare des fantômes de coups. Il y a Anna la nièce (Laurence D’Amelio, en résiliante convaincante), abusée par l’oncle mais qui a malgré tout tracé sa route. Et puis il y a la dernière arrivée, Iris l’amante (Babetida Sadjo, en lutteuse sensuelle), ancienne étudiante du prof d’unif séducteur à qui il a appris « à faire du mal » pour jouir. Leur confrontation va libérer leur parole, leur ouvrir les yeux, faire éclater des vérités, engendrer une sororité.

Trois femmes, trois grâces mises en scène par Magali Pinglaut dans cet espace contraignant qu’est la salle des voûtes du Théâtre le Public, en longueur et semée de colonnes, dont elle tire joliment parti dans ce huis clos en couloir. Ponctué par la musique d’An Pierlé, le texte de ce Coup de grâce, signé Pietro Pizzuti (L’Eau du loup, Le Silence des mères, L’Initiatrice…), joue des mots et de leurs sons (« qui t’a tout ôté pas que ta toux », « cette extinction des feux à petit feu », « nous y voili voilà »…) pour alléger le propos, grave, sur les violences faites aux femmes, sur celles qui endurent et qui supportent, par « amour », pour sauver les apparences ou parce qu’elles considèrent qu’elles n’ont pas d’alternative.

Parfois grivois, tirant un peu sur la corde du vraisemblable (mais qui est ce monstre qui est pourtant aimé?), le spectacle glisse de l’ombre à la lumière, vers un final libérateur et réconfortant.

Coup de grâce : jusqu’au 11 avril au Théâre le Public à Bruxelles.

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