[Critique scènes] Le Raoul Collectif pose le dilemme

© Céline Chariot
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Le Raoul Collectif revient pour Une cérémonie. Un joyeux foutoir boosté par le jazz et qui retombe sur ses pattes grâce à Sophocle.

La forme est contenue dans le titre: le Raoul Collectif nous convie à une cérémonie. Ambiance conviviale grâce au dispositif tri-frontal, chemises et vestes élégantes, toasts portés à tout-va, invité bourré qui titube, trébuche et veut se battre, musique et chansons (pour gagner en ampleur sonore, les cinq du Collectif se sont pour l’occasion adjoint les services de Philippe Orivel, Julien Courroye et Clément Demaria), et même la soupe à l’oignon pour se requinquer aux petites heures. Tout est là, dans une ambiance de fête propulsée aussi par les interprétations vigoureuses de A Night in Tunisia, alors que, plus tard, c’est Duke Ellington en piano solo qui sera chargé de calmer le jeu.

Et côté fond alors? Comme pour Le Signal du promeneur et Rumeur et petits jours, il faut un peu de temps pour que les pièces du puzzle s’emboîtent et que l’on comprenne où la petite bande veut en venir. Plus éclaté encore, moins structuré, Une cérémonie sème ses cailloux autour du thème de la révolte. D’abord par la bouche de Romain David, reprenant avec aplomb le tube de Brel en Don Quichotte, qui défie: « Écoute-moi, pauvre monde, insupportable monde, c’en est trop, tu es tombé trop bas« . Il y a aussi cette relecture finement amenée d’Antigone (incarnée par l’invitée de marque Anne-Marie Loop), qui outrepasse la loi des hommes pour enterrer son frère, même si elle risque pour cela la mort. 25 siècles après Sophocle, la révolte de la fille d’OEdipe se raccroche par une pirouette au « How dare you? » de Greta Thunberg. Un moment-clé, qui recentre le spectacle. Et puis il y a, plus explicite encore, le questionnement de Jérôme de Falloise sur la nécessité de la violence comme légitime défense quand ceux qui gouvernent ne semblent pas prendre en compte le risque de notre propre disparition.

[Critique scènes] Le Raoul Collectif pose le dilemme
© Céline Chariot

« Quand un monde s’effondre, comment répondre à l’urgence?« , « Subir ou s’armer, c’est là la question« , « Le dilemme, ce n’est pas vivre ou mourir, c’est agir ou abandonner« , disent-ils encore tandis que la catastrophe écologique annoncée plane sous la forme d’un oiseau mort -mais toujours mobile- au-dessus de la scène. Le Raoul Collectif pose le dilemme, mais ne tranche pas. « Ce qu’il y a lieu de faire maintenant, nous ne le savons pas« , reconnaissent-ils. Et au final, dans cette atmosphère de mythes grecs (voir aussi l’apparition d’un centaure superbe), on interprétera la présence de la chouette géante (ou était-ce un hibou?) comme l’attribut d’Athéna, déesse de la sagesse. La sagesse qui présidera, on l’espère, aux réactions individuelles, et collectives. Puisque, comme le rappelle Anne-Marie Loop dans son propre toast, « nous sommes nombreux« .

Une cérémonie: Jusqu’au 18 octobre au Théâtre National à Bruxelles, les 17 et 18 novembre à la Maison de la Culture de Tournai, du 24 au 27 mars au Théâtre de Namur, du 4 au 6 mai au Théâtre le Manège à Mons.

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