[Critique théâtre] Homme au bord de la crise de nerfs

© Véronique Vercheval
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Dans L’homme qui mangea le monde, ici mis en scène par Georges Lini, le jeune auteur allemand Nis-Momme Stockmann dresse le portrait de l’homme contemporain pressé de toutes parts. Sombre mais lucide.

Ça commence par une sonnerie intempestive, celle d’un téléphone. Pendant un instant, on pourrait croire qu’il s’agit du début d’un message délivré par le Théâtre de Poche demandant de manière démonstrative aux spectateurs de couper leur portable. Mais non, ça continue, la sonnerie fait donc bien partie du spectacle. Et on aura l’occasion de l’entendre, aiguë, agaçante, à maintes reprises.

Cette sonnerie, c’est celle du téléphone du personnage principal (incarné par l’infatigable Georges Lini, qui signe aussi la mise en scène, après celle de Caligula à Villers-la-Ville cet été et avant celle de Macbeth au Parc en janvier), à qui tout semblait sourire, mais qui, après son licenciement, se retrouve de plus en plus pris dans un étau, entre son père présentant des signes de démence sénile (Luc Van Grunderbeeck), son frère asthmatique et irresponsable (Vincent Lecuyer), son ex-femme (Nargis Benamor) et son meilleur ami Ulf (Itsik Elbaz). Cette sonnerie, elle est familière à chacun de nous, significative d’un monde ultra-connecté, ultra-rapide et ultra-sollicitant. Additionnée à une scénographie où les espaces se superposent de manière écrasante et où la vidéo s’invite parfois en couche supplémentaire (avec notamment une citation du final explosif du film Fight Club), elle marquera les étapes d’une descente aux enfers. Celle où l’on ne parvient plus à résister aux multiples pressions.

Seule échappatoire face au tourbillon, la nature, un lac, unique endroit où pouvoir « décrocher ». Ce lac est présent sur scène sous la forme d’une photo panoramique, et sa faune à travers des animaux empaillé. Que du factice donc, rien à en espérer alors que le héros semble se précipiter vers une fin dramatique.

Ce portrait sombre de l’humanité contemporaine, au langage très ordurier, est illuminé par quelques moments d’humour, notamment à travers les agissements fous du père, aussi déroutants qu’hilarants, et surtout à travers un monologue d’anthologie sur le papier-cul des hôpitaux et la division du jet d’urine chez l’homme. Les femmes n’auraient jamais soupçonné qu’il était si compliqué de pisser debout.

L’homme qui mangea le monde

Jusqu’au 13 octobre au Théâtre de Poche à Bruxelles, www.poche.be

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