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[critique musique] Drake – « Certified Lover Boy »: champagne sans bulle

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son nouveau blockbuster Certified Lover Boy, Drake prend soin de ne pas toucher à sa formule gagnante. Frustrant…

Si le rap est une compétition, alors l’été aura été particulièrement « sportif ». Comme jamais, il aura mis en lumière la rivalité entre deux « athlètes », au sommet de leur discipline, et de la pop en général: Kanye West (lire la critique) et Drake. Le second aura même reculé la sortie de son album, Certified Lover Boy, prévu initialement pour janvier, afin de pouvoir récupérer d’une opération du genou -report que l’on aurait davantage attendu d’un Eden Hazard en souffrance que d’un rappeur superstar… Conséquence directe: deux des blockbusters annoncés de l’année ont fini par sortir à cinq jours d’écart. Avec Donda signant le meilleur démarrage de 2021 aux États-Unis, Kanye West a rejoint le club très fermé des artistes ayant classé 10 albums au top albums US; tandis qu’avec Certified Lover Boy, et sa pochette emoji signée Damien Hirst, Drake a battu son propre record, celui de l’album le plus écouté en 24 heures sur les plateformes de streaming. 1-1, la balle au centre…

Et la musique là-dedans? C’est plus problématique. Avec des albums aussi importants que Take Care (2011) ou Thank Me Later (2010), Drake avait réussi à innover, faisant glisser le discours rap vers des questionnements plus intimes et mélancoliques, tout en maintenant la pose. Dix ans plus tard, sur le fond comme sur la forme, Certified Lover Boy reste fidèle à cette ligne de conduite. Est-ce gênant? Pas (encore) complètement. Ça l’est sur des morceaux aussi prévisibles que Girls Want Girls, ou quand Drake ose un titre comme Way 2 Sexy, samplant l’horrible I’m Too Sexy de Right Said Fred -on parie sur un emprunt à Crazy Frog sur le prochain album? Tout aussi ridicule, le clip du morceau en question surjoue le second degré goofy. Mais personne n’est dupe: Way 2 Sexy n’est là que pour alimenter la machine à mèmes et faire tourner les vidéos sur TikTok.

La seconde moitié du disque est sans doute la plus réussie. Notamment grâce à des morceaux comme Race in My Mind ou encore la ballade afro-pop de Fountains. Là encore, Drake ne propose rien qu’il n’ait déjà essayé. Mais le résultat est particulièrement savoureux, en particulier Fountains, en duo avec la Nigériane Tems. C’est l’une des rares apparitions féminines (hormis un bref passage de Nicki Minaj sur Papi’s Home) dans une liste d’invités qui, comme celle du Donda de West avec laquelle elle partage pas mal de noms, a tendance à ressembler à un boys club. À la sortie de Certified Lover Boy, Drake présentait pourtant le projet comme la « combinaison de masculinité toxique et d’acceptation de la vérité » (dédiant notamment l’album à l’influenceuse Mercedes Morr, assassinée par un « stalker »). Sur Papi’s Home, le rappeur commence par exemple par donner l’impression de s’excuser auprès de son fils d’être largement absent de sa vie, avant qu’on comprenne qu’il s’adresse en fait à ses concurrents… Comme si le rappeur ne pouvait s’empêcher de retomber sur ces vieux réflexes de mâle alpha, empêtré dans ses habitudes. À l’image de sa musique.

Drake, « Certified Lover Boy », distribué par Universal. ***

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