Critique

[Critique ciné] Suburbicon, un film aussi mordant que jubilatoire

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

COMÉDIE NOIRE | George Clooney livre une vision acide de l’Amérique des fifties dans une comédie noire d’inspiration coenienne.

Sixième long métrage réalisé par George Clooney, Suburbicon a, par endroits, des allures d’appendice à la filmographie des frères Coen. Et pour cause, le film ayant été inspiré par un scénario déjà ancien des auteurs de Fargo, un thriller humoristique peuplé de losers s’entêtant à prendre de mauvaises décisions. À quoi est venue se greffer la réalité américaine des fifties (telle que décrite notamment dans le documentaire Crisis in Levittown, source également citée par le cinéaste et son co-scénariste, Grant Heslov), lorsque le G.I. Bill assura aux minorités l’accès à des banlieues résidentielles traditionnellement réservées aux Blancs, la ségrégation raciale qui y régnait les dissuadant toutefois le plus souvent de s’installer.

Le rêve américain en kit

[Critique ciné] Suburbicon, un film aussi mordant que jubilatoire

Un contexte explosif qui inspire à Clooney une comédie noire ancrée dans l’Amérique profonde de l’époque, et plus précisément dans une cité modèle répondant au nom de Suburbicon, 60.000 âmes vivant le rêve américain en kit. Une petite communauté que va toutefois plonger dans l’émoi l’arrivée de ses premiers résidents afro-américains, les Meyers, aux vexations initiales -le facteur demandant à Mrs. Meyers (Karimah Westbrook), fraîchement installée, si elle est la bonne de la maison- succédant bientôt la violence et le chaos. Circonstances troubles donnant également sa toile de fond à l’agression à domicile dont sont victimes les Lodge, leurs voisins, une famille bien sous tous rapports, à savoir Gardner, le père (Matt Damon), Nicky, le fiston (Noah Jupe), Rose, la mère qu’un accident a rivée à une chaise roulante, et Margaret, sa soeur prévenante (jouées toutes deux par Julianne Moore). Agression virant au drame dès lors que Rose succombe à l’inhalation massive de chloroforme. Le décor ainsi planté, le film va prendre un tour résolument décalé et déjanté lorsque Gardner sera convoqué par la police pour procéder à l’identification des coupables.

Comédie satirique, Suburbicon livre une vision acide d’une société américaine dont il s’emploie à déconstruire le cadre prétendument idyllique pour exposer une réalité moins fréquentable -proposition transcendant, bien sûr, le contexte historique, pour trouver une résonance contemporaine. Clooney a la caméra et le verbe affûtés, et l’exercice, avec sa galerie de personnages cartoonesques -mention spéciale à Oscar Isaac, magistral en assureur sourcilleux-, s’avère aussi mordant que jubilatoire, même si le film souffre quelque peu d’un déséquilibre entre ces deux arcs narratifs. Qu’à cela ne tienne, après un Monuments Men objectivement décevant, le réalisateur de Good Night, and Good Luck renoue ici avec une veine lui réussissant assurément, non sans offrir à son complice Matt Damon un contre-emploi appelé à faire date…

De George Clooney. Avec Matt Damon, Julianne Moore, Oscar Isaac. 1h44. Sortie: 06/12. ***(*)

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