Critique

[Critique ciné] House of Hummingbird: la fille hors du moule

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Le premier long métrage de Bora Kim trace le portrait d’une adolescente cherchant sa voie dans le Séoul du milieu des années 90. Un récit envoûtant.

L’adolescence est un terrain virtuellement inépuisable généreusement labouré par le cinéma. Mais si l’on ne compte plus les films ayant abordé le sujet, House of Hummingbird, le premier long métrage de la cinéaste coréenne Bora Kim, l’embrasse pourtant d’un regard éminemment original. Librement inspiré de l’expérience personnelle de la réalisatrice, le récit se déroule en 1994 à Séoul, alors que la ville connaît une mutation accélérée. C’est là que vit Eun-hee (Park Ji-hu), quatorze ans, une adolescente livrée à elle-même pour l’essentiel, et tentant de trouver sa place dans un environnement guère hospitalier. Soit, d’une part, une famille dysfonctionnelle, avec ses parents accaparés par leur boutique de gâteaux de riz et leurs disputes incessantes, une soeur aînée surtout occupée à faire le mur, et un frère la battant comme plâtre en toute impunité -il a les faveurs du père. Et, d’autre part, les cours qu’elle suit en mode dissipé, s’affairant plutôt à dessiner des comics, pour être promptement désignée par ses condisciples comme « délinquante » -moins pour ses « écarts », somme toute anodins, que parce qu’elle ne correspond pas au moule les destinant à la Seoul National University. Morne horizon à la surface duquel semble flotter Eun-hee, dérivant à la découverte de soi et du vaste monde, en quête de sens à son existence alors qu’elle glisse d’amours fragiles en amitiés incertaines, non sans devoir composer avec une tumeur laissant son entourage indifférent. Moment où elle va trouver en Yong-Ji (Kim Sae-byuk), l’énigmatique nouvelle professeure de l’institut privé où elle suit des cours de chinois, une oreille compréhensive…

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Empreinte indélébile

House of Hummingbird est ce qu’il convient d’appeler un film à combustion lente, Bora Kim empruntant des chemins sinueux pour tracer, avec une rare justesse, le portrait délicat de cette adolescente (dont Park Ji-hu réussit à restituer toute la complexité) à hauteur du mal-être l’habitant. Procédant par touches impressionnistes, la réalisatrice fait aussi rimer la chronique intime avec la réalité coréenne d’alors, dénonçant, en creux, l’organisation patriarcale, tout en observant l’impact physique et humain d’une urbanisation chaotique, sur quoi la catastrophe du pont de Seongsu va jeter un voile d’ombre. Le récit d’apprentissage qui s’ensuit charrie des sentiments multiples, oeuvre de toute beauté qui, si elle n’est pas, dans son observation du quotidien, sans évoquer le cinéma d’un Kore-eda, s’inscrit aussi, par sa sensibilité et l’émotion profonde qu’elle dispense, dans la lignée de l’étincelant Poetry de Lee Chang-dong. Une pépite, laissant, l’air de rien, une empreinte indélébile sur le spectateur.

House of Hummingbird

Drame de Bora Kim. Avec Park Ji-hu, Kim Sae-byuk, Lee Seung-yeon. 2h18. Sortie: le 19/08. ****

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