Le cinquième album des Dirty Projectors, Bitte Orca, devrait être celui de la consécration. Dave Longstreth fait la lumière sur un disque insaisissable et tordu.

Entretien Julien Broquet

Entretien Julien Broquet

Il a enregistré un opéra rock ( The Getty Address) autour de Don Henley (chanteur et batteur des Eagles), de la mythologie aztèque et du 11 septembre. Il a aussi, avec Rise Above, revisité de mémoire l’un de ses disques de chevet à l’adolescence: le Damaged de Black Flag (1982), groupe punk, anarcho hardcore, d’Henry Rollins. S’il a déjà quatre improbables albums à son actif, dont trois sous le nom de Dirty Projectors, Dave Longstreth n’a pas encore rencontré le succès d’un Vampire Weekend.

Dave connaît pourtant bien les suceurs de sang de la pop indé. Il a collaboré avec Ezra Koenig et Rostam Batmanglij. Le premier l’a même accompagné en tournée. Comme eux, Dave est installé à Brooklyn et voue une passion sans borne à la musique traditionnelle africaine. Ancien étudiant en composition musicale à Yale, le Dirty Projector en chef aime scruter les horizons lointains. Les sonorités arabes et asiatiques comme la pop FM et la musique contemporaine expérimentale. Longstreth peut vous citer dans une même interview Boulez, Schönberg et Timbaland.

On en voit déjà certains faire la moue. S’enfuir à toutes enjambées devant le pedigree du garçon. Il a beau en avoir beaucoup dans la caboche, Dave ne suinte pas la prétention. Bizarre? Oui. Ampoulé? Non. « Pour moi, le résultat est aussi important que la manière d’y arriver mais je veux enregistrer de la musique vivante. Eviter l’intellectualisation, la théorisation de la créativité, rassure-t-il. Avec Bitte Orca , je tenais à vérifier si je pouvais pondre quelque chose de personnel en partant de trucs grand public comme Beyonce et Led Zeppelin. J’ai repéré les idées qui me paraissaient les plus intéressantes sur Rise Above et j’ai essayé de les approfondir, de les emmener plus loin. Du moins ailleurs. Bitte Orca est un disque basé plus que les autres sur la collaboration. »

On y entend notamment chanter ses musiciennes et choristes Amber Coffman et Angel Deradoorian. La deuxième se l’est jouée en solo entre les deux sessions d’enregistrement de Bitte Orca. « C’est vraiment cool. Forcément, je l’ai produite« , s’esclaffe le bonhomme.

Sortie en cassette

Longstreth continue de travailler avec ses fidèles. Il croise aussi ces derniers temps pas mal de beau monde. Sur la hautement recommandable (on ne l’écrira jamais assez) compilation Dark was the night, il partage un morceau avec le Talking Head David Byrne. Début mai, il a par ailleurs collaboré avec Björk. Interprétant en compagnie de l’Islandaise et de quelques Dirty Projectors une de ses propres compositions pour cinq voix et une guitare acoustique. Et ce afin de réunir des fonds pour Housing Works. Une association sans but lucratif destinée à soutenir les sans-logis atteints du sida.

« Ces dernières années, des groupes comme Arcade Fire sont devenus mainstream et avec le succès se renforcent l’impact de vos actes, la capacité de changer les choses », explique-t-il quand on l’interroge sur les actions caritatives de groupes indés.

Le cerveau bouillonnant des Dirty Projectors est un jeune homme bienveillant. Il est aussi ce qu’on peut appeler un artisan. « Waw. Vous utilisez encore ce matériel-là?, s’émerveille-t-il devant notre magnétophone tout pourri. J’adore les cassettes. Les regarder tourner. D’ailleurs, on va sortir Bitte Orca en édition limitée sur ce support désuet. » Il faut vivre avec son temps quand même. Domino inclura des codes pour télécharger les morceaux en mp3, histoire que les kids (et les autres) puissent remplir leur iPod.

En attendant, Longstreth se fout de savoir comment sonnera sa musique d’ici 15 ou 20 ans. « Des tas de facteurs culturels entrent en ligne de compte… Vous savez, le label qui a sorti Rise Above a entrepris pas mal d’efforts à l’époque pour obtenir l’accord de Black Flag. Il a envoyé les documents à Long Beach, en Californie, et ils nous ont été retournés signés. Mais nous n’avons pas obtenu d’autres échos. Je suppose que je m’en fous. Que je ne me préoccupe pas trop de ce que ses membres en pensent. Ça pourrait être intéressant d’en discuter avec eux mais ça ne changera pas ma vie. »

Il a mieux. Une chouette anecdote vaut plus qu’un long discours. « Un ami travaille dans un magasin de disques à Austin au Texas. Un beau jour, alors qu’il passait Rise Above , Henry Rollins est entré. Après une petite minute, il s’est arrêté, surpris, et a regardé les baffles. Ce qui me semble encore plus fou, c’est qu’il a acheté du blues d’Afrique de l’Ouest et un disque de Sun Ra. » Comme quoi…

www.myspace.com/dirtyprojectors

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