Cette fois, ça y est, le hip hop est dans la place! Pas celle, mal éclairée et décrépie, qu’il squatte depuis 40 ans. Mais bien la place (forte), avec vue sur les charts et le boulier compteur, de la hype, du mainstream et de la Culture en « c » majeur. On pourrait convoquer Kanye West, Jay-Z ou… Stromae à la barre pour témoigner, eux qui ont ouvert une brèche dans le mur du son. On pourrait aussi invoquer le succès sonnant et trébuchant du street art qui affole les salles de vente et s’immisce, sans effraction cette fois, dans les beaux quartiers. L’air de rien, Basquiat au Musée d’art moderne de Paris, c’est un peu comme si les Sex Pistols allaient pousser la chansonnette à Buckingham! Dans son film Exit through the gift shop, Banksy, tête de gondole involontaire -il tient à son anonymat comme à sa première fresque- de cette fièvre graffiti, retourne le star system contre lui-même. Son arme? Thierry Guetta, alias Mr Brainwash, Français installé à Los Angeles qui va passer de l’ombre des maquisards de la bombe à la lumière de la jet-set arty sur un coup de poker warholien.  » Tout ça ne prouve pas que le virus est véritablement sorti du ghetto, juste qu’il a contaminé les tissus culturels« , répliquera l’accusation. Après tout, les petits Blancs se damnaient déjà dans les années 90 pour une paire de Nike entrevue dans un clip diffusé sur Yo! MTV Raps, c’est pas pour ça que le dernier carat de De La Soul tournait sur la platine familiale. Pas faux. Heureusement, notre avocat a d’autres pièces à conviction dans sa manche. A commencer par cette pub pour VW, Last Tango in Compton. Le tango, tout le monde connaît. Compton, c’est moins sûr. Ce suburb lépreux a bercé quelques grosses cylindrées du rap comme Dr. Dre ou Niggaz With Attitude. Les constructeurs de voitures ne sont pas des rigolos, pas le genre à s’acoquiner avec les cultures de la marge. Chez VW, BMW ou Ford, on roule dans les clous du « mass market ». La fantaisie ne figure ni en série ni en option sur le tableau de bord. La communication y passe au banc d’essai comme les moteurs. Chaque mot est mesuré, testé, soupesé. Autrement dit, quand DDB UK balance sur les ondes et le Net une pub-clip déroulant une B.O. pilonnée par les frappes verbales de Roc C, ça vaut toutes les onctions papales… Autre preuve à verser au dossier, on confie même désormais la garde des enfants à un rappeur multirécidiviste! A qui appartient cette voix suave et métronomique qui plonge la B.O. du film d’animation Despicable me dans un bain acide? A Phil Collins? Non, à Kid Cudi, le petit prince du hip hop borderline. Il aura finalement « juste » fallu que le rap lâche du lest, ouvre les fenêtres et exhibe sa sensibilité (si, si) plutôt que ses chaînes en or et ses « guns » pour conquérir le monde. Ne restait alors dans l’épuisette que le flow, l’énergie pure et la poésie à fleur de béton. Less is more…

PAR LAURENT RAPHAËL

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