Trois films récents – Loup, Avatar et Mr Nobody – interrogent chacun à leur manière les limites de la réalité dans la fiction. Ce n’est pas le plus fantastique qui est le moins crédible.

On ressort de Loup de Nicolas Vanier un peu congelé. Cette production française a bravé le froid de Sibérie pour nous raconter l’histoire d’une tribu locale éléveuse de rennes. Le réalisateur est un spécialiste des extérieurs en température extrême: comme les personnages du film, on en a la lèvre perpétuellement glacée. La première invraisemblance est dans le scénario: le jeune Sergueï, tout juste émancipé, va tomber – littéralement – amoureux d’une bande de loups, prédateurs numéros uns de son cheptel de rennes, la matière vivante qui permet à sa tribu de survivre. L’infantilisme de cette absurdité se double du choix problématique des acteurs: les rôles principaux de ces personnages sibériens sont des Français – d’origine asiatique quand même – qui causent un français qui, à coups de « ouais » et autres locutions gouailleuses, est à 2 doigts de se joeystarriser. Autrement dit, la langue du film élimine sa crédibilité.

On ressort de Mr Nobody de Jaco Van Dormael un peu interloqué. Cette luxueuse coproduction internationale menée par le wonder boy belge pose des hypothèses sur la continuité du temps, entre autres. A coups de flash-backs, on suit ce qu’aurait pu être la vie du personnage central – Nemo joué par Jared Leto – s’il avait épousé tel amour de jeunesse plutôt que tel autre, s’il avait suivi son père plutôt que sa mère lors du divorce parental. Pour raconter ce dédale scénaristique qui nous projette jusqu’à la mort de Nemo – dernier mortel de mort naturelle en 2092 , Van Dormael adopte un style acrobatique, voltigeur et, finalement, assez tape-à-l’£il. Certaines idées visuelles sont très belles – des poils de bras se hérissent en gros plan, des hélicoptères démontent la mer -, mais Van Dormael semble en rupture de simplicité cinématographique, comme si le coût de ce Nemo le héros – 38 millions d’euros – réprimait sa poésie instinctive. L’esthétique de Mr Nobody – bigarrée, colorée et métissée – a été comparée à celle d’un jeu vidéo, philosophique a-t-on rajouté, sans doute pour ne pas dénigrer les nobles questionnements du film. En sortant de la projection, c’est bien cet effet jeu vidéo qui persiste. Et beaucoup moins l’empathie que l’on ressent lorsqu’un personnage ou un film nous touche. Parce qu’on n’y a pas cru.

Symphonie visuelle

On ressort d’ Avatar d’autant plus bluffé que les titaniques productions de James Cameron sont assez peu notre tasse de thé. Sur papier, l’histoire de confrontation – en l’an 2154 – entre une tribu de sauvages Na’vi de la planète Pandora et de conquérants terriens ayant des vues sur un précieux minerai pandorien est la énième version de la Guerre des Gaules façon galactique. Mais Cameron crée un univers absolument stupéfiant: à coups d’images numériques complètement inédites, il allume jungle et nature comme un conte fantasmagorique, donne à ses Na’vi la possibilité de fusionner avec leur monture – en mettant leurs cheveux dans le corps du coursier etc. -, crée une symphonie visuelle qui nous fait décoller. C’est cette puissance visuelle, cet univers extraordinairement cohérent, qui rapproche la poésie et l’anticipation du réel fantasmé. On a aimé Avatar parce qu’on a envie d’y croire, et même, d’y aller.

DE PHILIPPE CORNET

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